Kevin Powers en un clin d’œil :
Finaliste du National Book Award, Kevin Powers a connu un succès international avec son premier roman Yellow birds (Stock), écrit à son retour d’Irak, où il a servi en 2004 et 2005.
Pourquoi on aime Lettre écrite pendant une accalmie dans les combats :
C’est la deuxième fois que Kevin Powers a recours à l’écriture pour lutter contre le stress post-traumatique. Après le très impressionnant roman Yellow birds paru en 2013 (Stock/Le Livre de Poche), inspiré de son expérience dans l’armée américaine sur le front irakien, il choisit cette fois la poésie. Lettre écrite pendant une accalmie dans les combats, récemment paru chez Stock, est une belle variation contemporaine du célèbre manifeste poétique de Baudelaire "Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or".
Et pour cause, il emporte le lecteur avec lui sur les lieux des combats, sur les routes sableuses, dans les planques, au plus près des éclats de métal et des corps mutilés, mais aussi dans ses rêves, ses visions et ses correspondances imaginées. C’est une poésie prosodique à la limite du roman ou du journal, surtout faite de rythmes, d’assonances, d’allitérations et de peu d’images qui se pose sur les pages. On est dans le brut, dans une réalité qui échappe à la métaphore.
Après la fiction de Yellow birds ce texte est d’autant plus personnel qu’il aborde directement les sentiments d’un soldat en mission : les cas de conscience face à la mort de l’ennemi, l’angoisse des proches et les cauchemars… On remarque notamment la figure persistante de la mère (la femme aimée étant souvent plus lointaine) qui place le soldat en mission dans la position apeurée de l’enfant cherchant le giron. Autant de réalités insupportables qui côtoient de plus douces apparitions telles que de vertes collines ou une "fille aux cheveux roux". Et c’est bien cette proximité de réalités opposées qui fait jaillir le sens et l’émotion.
"La poésie m’a aidé à remettre de l’ordre dans le monde" indiquait Kevin Powers au magazine Marie-Claire. L’ordre ici se trouve sur la page, dans sa manière de réorganiser un réel trop difficile à supporter. La matière donc plus que l’image est au cœur de cette poésie, une matière visqueuse et assourdissante, c’est le métal des armes, la poisse du sang, la poussière de la route, une matière qui façonne de nouveaux objets tout aussi solides et de différentes formes, tantôt pointues, tantôt douces : les poèmes. Une belle entreprise de substitution de la violence par le verbe.
La page à corner :
Le texte qui donne son titre au recueil est aussi l’un des plus emblématiques.
"Je lui dis que je l’aime comme j’aime ne pas tuer
comme j’aime dormir dix minutes
derrière le parapet du toit-terrasse
contre lequel repose mon fusil.
Je lui dis dans une lettre qui puera,
Lorsqu’elle l’ouvrira,
L’huile de culasse et la poudre brûlée
Et les mots qu’elle contient.
Je lui dis que le soldat Bartle lance en passant :
La guerre c’est juste nous
Qui déchirons nos corps et ceux des autres
Avec de petits morceaux de métal."
(p.15)
Lettre écrite pendant une accalmie dans les combats dans la presse :
"… de la poésie sensible et brute qu’on lit comme de la prose", Marie-Claire.
"Kevin Powers est avant tout un poète", Dave Eggers
"Powers est un écrivain du Sud et sa voix, ferme et assurée, plonge ses racines dans la tradition du storytelling", The Washington Post.
Noémie Sudre