Ginette Kolinka en un clin d'oeil :
Ginette Kolinka, née à Paris en 1925, a 19 ans quand elle est déportée avec son père, son frère et son neveu à Auschwitz II-Birkenau. Devenue matricule 78599, elle y restera plus d’un an. C’est la seule de sa famille qui reviendra de l’enfer des camps. Philippe Dana en fera un récit : Ginette Kolinka, une famille française dans l’histoire (Kero, 2016). Aujourd'hui, elle signe elle-même Retour à Birkenau (Grasset), dans lequel elle raconte ce qu'elle a vu et connu dans les camps d'extermination. Marion Ruggieri l’a accompagnée avec talent et affection dans l’écriture de ce récit hors du commun.
Pourquoi on aime Retour à Birkenau :
Ginette Kolinka force le respect. En mars 1944, elle est arrêtée à Avignon, puis déportée à Auschwitz-Birkenau. Elle a alors 19 ans. Aujourd'hui, elle en a 94. Seule rescapée de ce camp de la mort parmi tous les membres de sa famille, elle est pourtant loin de s'apitoyer sur son sort. Au contraire, elle a fait de son passé une force et une véritable raison de vivre. En effet, elle ne se définit jamais seulement comme rescapée d'Auschwitz-Birkenau. Elle est avant tout une passeuse de mémoire : depuis des années, elle sillonne la France pour aller à la rencontre d'élèves de primaire, de collégiens et de lycéens et leur faire part de son expérience. Le but ? Que plus personne ne vive jamais "ça".
Ce message de paix et d'espoir qu'elle délivre trouve son écho dans son livre Retour à Birkenau. Pour poser sur le papier ce qu'elle a l'habitude de partager à l'oral, Ginette Kolinka a pu compter sur le soutien de Marion Ruggieri. Sous sa plume, les mots de Ginette Kolinka sont retranscrits pour former un récit unique. Résultat : un témoignage aussi autobiographique qu'historique, à la fois émouvant et empreint d'humilité sans jamais sombrer dans le larmoyant.
Evidemment, il est question du pire. Aujourd'hui encore, Ginette Kolinka se demande comment elle et d'autres déportés ont pu survivre à de tels événements. Une seule réponse à cela : la solidarité, malgré tout. Elle évoque alors sa rencontre avec Simone Jacob, qui prendra bientôt le nom de Veil, ou encore son amitié indéfectible avec la cinéaste Marceline Loridan-Ivens récemment disparue et qui avait elle aussi raconté son histoire. C'est donc un récit aussi sombre que lumineux qui se donne à lire, à l'instar de la vie de Ginette Kolinka elle-même qui, malgré une destinée assombrie à son origine, rayonne par sa bienveillance engagée et son sincère message d'amour.
La page à corner :
"Je ne suis pas retournée à Birkenau depuis cinquante- cinq ans. Pour autant, le souvenir que j’en conserve est très précis. Quand j’arrive, c’est un choc : « Ah mais non ! » je m’écrie, « Ce n’est pas ça ! » Moi, j’imagine l’odeur, j’imagine la saleté, j’imagine les gens qui grouillent. Tout en sachant que ce n’est pas possible. Mais pour moi, c’est ça. C’est ce camp-là que je vois. Et je suis malheureuse, inquiète, de penser que les visiteurs qui viennent ici, seuls ou sans guide, puissent s’imaginer… Comment voulez-vous voir la fumée, les cris, les bousculades ? Ces dizaines de milliers de gens qui travaillent, qui courent, qui tombent ? Plus rien de tout ça. Les allées sont bien propres, bien nettes, ils ont mis des gravillons, un tapis en caoutchouc, pour que personne ne soit dans la boue. De toute façon, il n’y a plus de boue. Et pas âme qui vive, à part les petits groupes d’élèves qui passent de loin en loin. Les baraques ont été retapées, quand vous entrez, c’est impeccable, ils n’ont pas même pensé à glisser une fausse silhouette dans les coya.
Je ne ressens rien.
Je me dis que c’est la première fois, je cherche des choses, c’est pour ça… Mais c’est tout le temps ainsi, je vais là-bas, et c’est rien, un lieu tout à fait ordinaire, un faux lieu. Birkenau, maintenant, c’est un décor. Quelqu’un qui n’en connaît pas l’histoire peut ne rien voir. D’ailleurs, quand j’y retourne, je dis toujours aux élèves : « surtout, fermez les yeux, ne regardez pas ! » et je leur répète : « sous chacun de vos pas, il y a un mort. »" (p. 89-90)
Dans la presse :
"Ginette Kolinka puise sa force pour continuer à témoigner dans une peur, celle de voir la haine déchirer à nouveau l'humanité." France Info
"Le résultat est bref, cru et bouleversant." Le Monde
"Son but n'est pas de faire ressentir ce qu'était la vie dans les camps. [...] Si elle parle, c'est plutôt qu'elle veut « prévenir les jeunes, leur montrer où mènent l'intolérance et le racisme »." Ouest France
"Les écoliers d’aujourd’hui seront les derniers à pouvoir entendre, de la bouche de ceux qui l’ont vécu, l’indicible. Voilà pourquoi, à 94 ans, Ginette Kolinka parle, rencontre, raconte sans relâche et dans toutes les écoles, pour que l’on n’oublie pas de quoi la haine est capable." Le Temps
Shannon Humbert