Il y a quelques mois, le très beau film de Raoul Peck, I am not your negro permettait de remettre un visage, un sourire, une langue et une fougue sur l’un des personnages clés de la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis. Disparu il y a tout juste trente ans, James Baldwin se dévoile encore un peu plus grâce à deux rééditions de ses romans chez Stock préfacées par deux auteurs contemporains.
James Baldwin : l’écrivain des droits civiques
Car derrière la figure publique, le débatteur, l’ami de Medgar Evans, Martin Luther King et Malcolm X entre autres, il y a, avant tout, un écrivain à qui l’on doit de nombreux essais mais aussi plusieurs pièces de théâtre et surtout des romans animés par l’esprit de fraternité entre les hommes qu’il a toujours recherché, non sans laisser de côté un sentiment d’amertume face aux injustices subies par les noirs aux Etats-Unis.
Si Beale Street pouvait parler : "un roman bien plus énigmatique qu’il semble l’être"
Ainsi, Si Beale street pouvait parler, écrit en 1974 et joliment préfacé pour cette réédition par Geneviève Brisac, raconte a priori une banale histoire et serre le cœur comme un blues doux-amer. Tish a dix-neuf ans et est amoureuse de Fonny, un jeune sculpteur noir accusé de viol et mis en prison. Quand Tish découvre qu’elle est enceinte, ils n’ont d’autre choix que d’attendre d’éventuelles preuves qui pourraient disculper Fonny pour pouvoir peut-être se marier. "Un roman bien plus énigmatique qu’il semble l’être", annonce la romancière dans son texte liminaire établissant les liens entre l’intrigue et des événements survenus dans la jeunesse de l’auteur.
Harlem Quartet, miroir des "turbulences de sociétés actuelles"
Quant à Harlem Quartet, l’ultime roman de Baldwin (1979), il résonne dès son titre comme une ode au quartier où il est né en 1924. Dans le Harlem des années 1950 se noue les destins de quatre adolescents dont une jeune évangéliste qui enflamme les foules et un chanteur de gospel. Entre violence et sensualité, la langue du romancier rend compte d’une réalité minée par la haine raciale et le mépris des minorités, sujets qu’il n’aura jamais perdus de vue. Selon Alain Mabanckou qui signe la préface de l’ouvrage, Baldwin, mort en 1987 à Saint-Paul de Vence où il s’était installé, "n’aura pas eu la satisfaction de constater combien les sujets qu’il avait brassés dans ses écrits croisent plus que jamais les turbulences des sociétés actuelles".
Noémie Sudre