MyBOOX : Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ce livre ?
Barbara Constantine : Dans mes romans, il y a toujours des personnes âgées, je trouve cette période de la vie extrêmement intéressante, et plus encore lorsqu’elle est confrontée à l’enfance. Oui, bon, le truc marrant, c’est qu’à la suite de mes bouquins, on m’a souvent invitée à participer à des colloques sur le thème de … la gériatrie ! Genre : vous connaissez le sujet, vous êtes une spécialiste. Mais non ! Pas du tout ! J’écris des romans, j’invente, c’est tout ! Un(e) auteur(e) se met dans la peau de ses personnages, c’est naturel, une femme pense comme un homme, un homme comme une femme, un jeune comme un vieux … et puis, il n’y a jamais eu de vieux autour de moi ! Mes grands-parents vivaient à l’autre bout de la planète, je ne les voyais jamais ! Sérieusement, c’est inutile de m’inviter à votre colloque, je n’y connais rien aux "viocs" ! Voilà … Tout ça pour en venir au jour où je me suis dit… qu’après les avoir "imaginé" dans mes livres, il était vraiment grand temps d’en rencontrer "en vrai" ! Et, ce projet est arrivé …
Quel a été le moment le plus marquant de votre projet ?
Il y a en a eu des tas ! Avant de commencer, par exemple, quand Cécyl (ndlr : l’illustratrice) et moi, nous étions imaginé qu’il suffirait de rencontrer les pensionnaires de la maison de retraite une heure ou deux chacun maxi ! Pour éviter de les fatiguer ... C’est drôle quand on connaît la suite : nous sommes retournées les voir pendant deux mois ! On était accro ! On ne pouvait plus se passer d’eux ! Non … mais, c’est vrai que ces rencontres ont été très intenses. Et le jour où nous leur avons apporté le livre terminé… ah lala, quel moment… En fait, quand on y réfléchit, tout a été marquant sur ce projet ! Et ce n’est pas fini ...
Comment avez-vous travaillé sur la forme et le style de ce livre avec l’illustratrice Cécyl Gillet ?
Nous avions imaginé qu’au fil des rencontres, la forme et le style s’imposeraient naturellement. Mais ça ne s’est pas tout à fait passé comme ça. Après toutes ces semaines de rencontres, nous en étions toujours au même point : qu’est-ce que nous allions faire de toute cette matière ? Pour un projet commun, il aurait été simple et évident de se fixer une ligne, d’établir un plan. Nous avons choisi l’option de nous faire mutuellement confiance. Sans contrainte et sans égo, en gardant toujours à l’esprit que la finalité de tout ça, c’était eux, nos p’tits vieux, que c’était pour eux. Restituer ce qu’ils nous avaient donné, sans les trahir, transmettre sans dénaturer. (C’est ce qui est enrichissant avec ce genre de travail à plusieurs, ça fait grandir !). Au moment de réunir nos travaux, la question ne s’est pas posée, bien que très différent l’ensemble était cohérent. Je pense … enfin, j’espère que ça se ressent. Mais c’est au lecteur d’en juger, maintenant …
© Cécyl Gillet
Quelles ont été les réactions des lecteurs ?
Par ceux qui connaissent les EHPAD ou y travaillent, l’accueil a été chaleureux, enthousiaste ! Et puis, il y a aussi eu des réactions touchantes, comme par exemple, les lecteurs qui ont avoué une fois le livre refermé, avoir appelé leurs grands-parents qu’ils avaient un peu délaissés depuis quelques temps. Rien que pour ça, ça valait le coup. Parce qu’il faut savoir que les ¾ des résidents en maisons de retraite ne reçoivent aucune visite de leurs proches ! Pas très marrant, hein ?
Pourquoi, selon vous, ce livre sur les personnes âgées est accessible à tous ?
Parce qu’il est simple d’accès, ludique dans sa forme, sincère dans sa démarche. Que les portraits de Cécyl Gillet sont décapants. On voit rarement des personnes âgées mises en scène de cette façon … c’est pour le moins étonnant ! Bon, je lance des phrases comme ça … mais, au fond, je ne sais pas … je n’ai pas assez de recul. Vous, qu’est-ce que vous en pensez ? Le donneriez-vous à lire à vos enfants ? A vos parents ? A vos aïeux ? Ma petite fille (bientôt 12 ans, donc déjà ado) a rencontré quelques-uns des résidents, a lu leur portrait et a donné ses impressions (page 171). Elle, elle a kiffé !
Propos recueillis par Emeline Léon