Anne Berest en un clin d’œil :
Née en 1979, Anne Berest est l’auteur notamment des Patriarches (Grasset) et de La Fille de son père (Stock). On lui doit aussi récemment Sagan 1954 (Stock).
Pourquoi on aime Recherche femme parfaite :
Entre études sociologiques et scientifiques, témoignages en librairie ou dans la presse, dénonciations d’inégalités persistantes et autres débats sur la place publique, la femme contemporaine semble être le point focal de nos sociétés. Dans Recherche femme parfaite (Grasset), l’écrivain Anne Berest a choisi le crible de la fiction et même de la fable comique pour aborder ce sujet pour le moins rebattu. Et c’est une riche idée !
Prenez Emilienne, jeune photographe spécialisée en portraits d’entreprises, de classes d’écoles ou de mariages, "mère approximative" d’un garçon de quatorze ans qu’elle a eu avec un pharmacien plus âgé qu’elle et retourné depuis longtemps auprès de son épouse. Un peu brouillon, très dilettante et pas carriériste pour deux sous, elle voit un jour s’effondrer Julie, son amie et voisine de pallier, l’exemple même de la working girl et de l’épouse modèle, victime d’un burn out ou "épuisement maternel aigu" suite à la naissance de son premier enfant.
Cet événement fournit un projet à Emilienne : s’inscrire à un concours national de photographie en vue des Rencontres d’Arles sur la thématique de la femme parfaite. La voilà partie à la recherche de modèles embarquant avec elle le lecteur à travers une galerie de personnages fantasques et de récits enchâssés tous plus jubilatoires les uns que les autres. En vadrouille, elle rencontrera notamment une veuve de pasteur devenue nymphomane au contact d’un jeune homme aveugle, une petite peste ignare et fan de skateboard prise en autostop, une lesbienne vénéneuse avec qui elle passe une nuit torride, une ex-prostituée à la cambrure surnaturelle impliquée dans un scandale dans le milieu du foot et reconvertie en créatrice de friandises affriolantes ou encore une pharmacienne au regard triste victime de sa beauté…
Ces rencontres multiples et la folie douce qui s’empare d’une Emilienne de plus en plus border line – et donc attachante - sont autant de prétextes pour Anne Berest à déployer des digressions sur la schizophrénie ambiante de notre époque dans une grande amplitude de registres et de tons, loin des stéréotypes et du politiquement correct. Une justesse qui fait mouche !
La page à corner :
"- Nous vous écoutons, fit la psychiatre pour l’encourager.
- Il me semble, dit Julie en gonflant ses poumons pour prendre son élan, il me semble que les poils, tout comme les sécrétions, faisaient autrefois partie du mystère féminin. Or aujourd’hui, les femmes cherchent à devenir lisses et inodores à coups de déodorants et d’épilations définitives. Pour moi, ajouta Julie l’idée que mon mari puisse voir mes poils est devenue une source d’angoisse quasi quotidienne car j’ai peur de le dégoûter. Ce qui est bizarre, parce que depuis la nuit des temps, nos poils ont toujours excité les hommes. Et soudain, on ne veut plus en entendre parler. Que s’est-il passé ? répéta-t-elle trois ou quatre fois, en nous regardant, la psychiatre et moi, comme si nous étions responsables de la situation. Puis, elle prit un petit carnet, posé sur la table de chevet, en nous expliquant qu’elle avait pris des notes. Le docteur hocha la tête comme s’il s’agissait de quelque chose dont elles étaient convenues. « De génération en génération, nous lut Julie, grâce à des pratiques dépilatoires de plus en plus drastiques, au plus loin des zones interfessières, il est possible que nos poils, découragés par une existence digne de Sisyphe, disparaissent définitivement de nos anus. De même que nos orteils se sont atrophiés depuis que nous portons des chaussures, réussirons-nous dans le futur à produire une espèce humaine complètement lisse. Or au même moment, la barbe fait son grand retour chez l’homme. Serait-ce ce qu’on appelle les vases communicants ? », conclut Julie dans sa transe, puis elle reprit son souffle tout en essayant de déchiffrer son écriture, qui n’était pas du tout celle que je lui connaissais. Julie avait toujours eu une graphie ordonnée, arrondie, faite de liés et de déliés. Là, j’apercevais des lettres qui partaient dans tous les sens sans respect des proportions.
- C’est passionnant, dit le docteur Petton, mais vous êtes un peu fatiguée à présent, on va vous laisser vous reposer. Nous reprendrons ce sujet dans l’après-midi. Continuez à prendre des notes.", (pp.121-122).
Recherche femme parfaite dans la presse :
"Comédie pétillante qui sait aussi se faire mélancolique, Recherche femme parfaite enchante avec sa folie douce, son charme et son humour." Alexandre Fillon, Le Journal du dimanche.
"Bien rythmé, plutôt élégant dans l’écriture et surtout très drôle, Recherche femme parfaite fait se succéder les portraits décalés et s’amuse des conventions pour mieux les envoyer valser." Baptiste Liger, Lire.
"Emilienne doit se rendre à l’évidence : la femme parfaite n’existe pas. Un constat réjouissant sous la plume inspirée d’Anne Berest.", D.P, L’Express Styles.
"Le roman le plus libérateur de la saison", Gilles Chenaille, Marie-Claire.
Noémie Sudre