Pauline Dreyfus en un clin d’œil :
Pauline Dreyfus est une romancière française. Elle est l’auteur de Immortel, enfin (Grasset, Prix des Deux Magots 2012). Ce sont des choses qui arrivent est son deuxième roman. Lire la biographie de Pauline Dreyfus.
Pourquoi on aime "Ce sont des choses qui arrivent" :
Nous sommes le 14 juin 1940. A Paris, les soldats allemands envahissent la ville et installent leurs écriteaux sur les vitrines des boutiques pour indiquer qui peut ou ne peut pas entrer. A Cannes en revanche, dans certaines bonnes familles, l’atmosphère est beaucoup plus relax et festive. Les femmes se montrent sous leur plus beau décolleté, les hommes les font danser et la guerre est une histoire oubliée. "Toute une époque. Qu'est-ce qu'on s'amusait. Qu'est-ce qu'on faisait semblant de s'amuser. Qu'est-ce qu'on s'ennuyait." Mais ne dit-on pas que l’Histoire rattrape ceux qui ne s’y intéressent pas ?
C’est ce qui arrivera au Duc et à la Duchesse de Sorrente, dont la romancière Pauline Dreyfus nous raconte le luxueux quotidien dans son nouveau livre Ce sont des choses qui arrivent. Installés à Cannes, ces deux époux de la haute société ne se sentent pas concernés par "les malheurs publics" qui n’entraînent pour eux qu’une "ruée frénétique vers le sud" et l’occasion d’organiser toujours plus de fêtes. Jusqu’au jour où…
A la mort de sa mère en janvier 1942, Natalie de Sorrente apprend par une confidence de ses sœurs, qu’elle n’est pas la fille de son père, mais d’un amant de sa mère. Un secret de famille qui en dévoile un autre : l’amant en question est juif. Voilà Nathalie "demi-juive" comme on disait à l’époque. Petit à petit, cette découverte sur ses origines va changer son regard sur les événements, les brimades infligées aux juifs se mettent à l’offenser, ses préjugés volent en éclat et tous ses points de repère sont complètement bouleversés.
Peut-on être victime d’une filiation malheureuse lorsque l’on est aussi bien née ? Comment rester le témoin indifférent de l’Histoire après avoir compris à quel point on y appartient ? La plume de Pauline Dreyfus accompagne Natalie de Sorrente dans ce naufrage historique et personnel qui en dit beaucoup sur la terrifiante incompréhension entre des êtres qui partagent la même époque.
La page à corner :
En maniant intelligemment l’ironie, Pauline Dreyfus décrit l’autre guerre, celle de l’aristocratie française : "L’époque n’est pas trop cruelle pour ceux qui ont les moyens d’en contourner les rudesses. A Paris, on se passe les adresses de ces restaurants du marché noir où l’on mange aussi bien qu’autrefois. Au Jimmy’s, mais gardez-le pour vous, on trouve tout ce qui est défendu : des steaks saignants, du poisson au beurre, du whisky. Chez Chataigne, où les nappes sont blanches devant son assiette, la langouste au beurre blanc est exquise ; Chez Philippe dont le patron a de la famille dans le Gers, on se goberge sans remords de foie gras, de mousse au chocolat, de viandes sans ticket (…) Jérôme emmène souvent Natalie dîner dans ces endroits où elle touche à peine à son assiette et où elle croise des gens qu’elle n’a jamais vus avant. Qui sont-ils ces débrouillards motorisés, apparemment indifférents aux prix et à l’heure du couvre-feu ? Il vaut mieux ne pas trop poser de questions." (p.142)
Olivier Simon