J'ai lu cette autobiographie pratiquement d'une seule traite. Je me suis laissée envoûter par les mots, par l'histoire de cette famille qui a caché tout le long son histoire, qu'elle qualifie d'honteuse.
En effet, tomber amoureux d'un simple regard et se retrouver des années après alors que la femme et le fils du mari ont disparu à cause des rafles peut rendre n'importe qui honteux.
Mais un enfant sait quand on lui cache quelque chose. Il le sent et il n'est pas bête.
C'est pour cela que Philippe s'est inventé un grand frère sans le savoir. Car il se sent seul. Et malgré tout l'amour de sa mère, il lui manque l'amour et la reconnaissance de ce père qui ne voit en ce garçon que ce qu'il a perdu des années auparavant. Surtout que ces deux fils sont extrêmement différents. Le premier avait tout pour réussir dans le sport tandis que le second est malingre et malade.
Lors de la découverte de ce secret de famille à 15 ans, Philippe se taira pour ne pas faire encore plus de mal.
Il lui faudra 3 ans avant de tout révéler à son père pour que celui-ci ne se sente pas fautif de ce que sa femme a décidé.
J'ai été happée par les mots. J'ai été happée par la délicatesse qu'il a mis à retracer ses souvenirs. On sent, bien entendu de la distance pour ne pas faire souffrir. Il montre bien que lui a souffert mais ses parents représentaient tout pour lui. Ils ne voulaient pas leur faire plus de mal qu'il n'en avait été fait.
Je comprends qu'une famille juive puisse ne pas vouloir affronter ce qui s'est passé pendant la guerre. Mettre à l'abri la famille, ne pas porter cette étoile jaune et tenter de changer son nom de famille parce qu'il y a la honte. Mais le passé, avec ses joies et ses chagrins, fait partie de la vie de tout un chacun. Ah, bien sûr, en agissant comme l'a fait le père, on peut penser qu'il n'aime pas son fils. C'est peut-être vrai car il était profondément amoureux de sa seconde femme, rien ne devait se mettre en travers de leur chemin à tous deux et surtout un enfant qui pouvait disparaître comme ça, sans qu'on puisse le retrouver. Cela nous prouve que ceux qui sont restés et revenus en France ne voulaient pas être reconnus, ils voulaient vivre tranquillement et surtout que l'Etat Français ne les considère plus comme des étrangers. A part Laval et sa politique, il n'y a pratiquement rien contre la faute de cet état qui n'a pas su protéger son pays. Mais nous, maintenant, nous savons. Et plus jamais ça.
Je dirai heureusement qu'un gros travail a été effectué pour répertorier tous ceux qui sont partis, qui sont morts et à quelle date. Cela permet de faire le deuil et donc de savoir, même si la douleur est intense.
La fin est très triste. A cause de la maladie, Maxime, le père, prendra une décision irrévocable, laissant son fils seul au monde. On pense que l'auteur a compris cette décision, mais il ne s'étend pas. Philippe Grimbert, même s'il fait preuve de beaucoup de délicatesse, ne s'étend pas trop sur ses états d'âme de jeune homme, d'homme. On ne sait pas en définitive s'il a pardonné. Je pense qu'il partage avec sa famille plus de choses que lui n'a partagé avec ses parents. Mais cet élément du passé ? Reste-t-il enfoui au plus profond de lui ? Peut-être pas avec cette autobiographie qui ne va pas, en définitive, au fond de ce que lui ressent maintenant. Mais est-ce vraiment le sujet ? Le sujet est triste, la vérité est toute autre que celle qu'on imagine et donc elle fait mal à tout le monde.
Philippe Grimbert a toujours écrit depuis qu'il est petit. Il a toujours mis des mots sur ce qu'il ressent, sur ce qu'il vit. Il utilise des mots très forts pour raconter la rencontre de ses parents, rencontre qu'il a imaginé.
Je n'ai pas vu le film et il ne m'intéresse pas.