Sept contes gothiques

"J'ai toujours estimé qu'un grand préjudice a été porté à la femme en ce qu'elle ne s'est jamais trouvé seule dans l'Eden. C'est pourquoi la femme sent qu'elle a une revendication à faire au Créateur: le droit d'avoir pour un temps le Paradis à elle seule. Savez-vous pourquoi j'admire Dieu et me cramponne à lui ? Parce que c'est la seule créature dont je n'ai ni le droit ni le besoin d'avoir pitié. En considérant tous les autres êtres de ce monde, la compassion me torture et me dévore et je plie sous le poids de leurs soucis. Même à une danse macabre il serait possible de distinguer les squelettes des grandes beautés passées, j'avais obtenu cet avantage de la vieillesse: ce qui m'arrivait me laissait indifférente, et, grâce à la petite fêlure de mon cerveau, je jouissait du privilège de la jeunesse, la certitude arrogante et joyeuse que rien ne peut tourner mal; non à ton visage, mais à ton masque, je te " connaîtrai ". Le poète laissait le monde entier lui ouvrir son coeur et se manifester en des formes qui, pour lui, étaient son aspect naturel. Il n'avait pas été choyé par la vie, mais sans doute l'avait-il été par d'autres puissances. Il avait subi le sort commun de ses semblables, exister, avec l'impression d'être fait d'une substance très différente de celle du reste du monde, ce qui le rendait invisible aux autres. Du même avis que Joachim de Flora, qui naquit en 1202, le Cardinal pensait que si l'Ancien Testament était le livre du Père, le Nouveau, celui du Fils, il en manquait un pour la Troisième Personne de la Trinité, et il s'était donné la tâche de l'écrire: au matin, le monde entier en fut transformé, mais personne ne put dire en quoi. Malheureusement, lorsqu'on court après une époque révolue, on ne l'attrape jamais que par la queue, renversée".