Comme vous le savez j'adore Beigbeder, et si j'ai voulu lire ce livre c'est bien à cause du nom de l'auteur, car pour être entièrement honnête je n'aime pas Salinger. Je n'ai vraiment pas aimé L'attrape-cœur. D'ailleurs généralement j'ai du mal avec les écrivains classiques américains, mais bref car là n'est pas le sujet de cet avis. Non le sujet de ce livre et " Onna et Salinger ", et avec ce genre romanesque, mélangé à du biographique et de l'historique, je dois dire que Beigbeder a fait un très bon cru, même si parfois les passages historiques m'ont un peu étonnée.
Alors niveau écriture par contre ça ne change pas, ça reste du Beigbeder. C'est tour à tour cruel, étonnant, profond, superficiel, drôle, ou encore terriblement terre à terre comme le prouve ce passage : " Je suppose qu'un romancier professionnel décrirait ici le paysage océanique les entourant, et le vent, les nuages, les pelouses couvertes de rosée, mais je ne le fais pas pour deux raisons. Premièrement parce qu'Oona et Jerry n'en avaient rien à foutre du paysage ; deuxièmement, parce qu'on y voyait rien, le jour n'étant toujours pas levé. " Ce qui à défaut de rajouter de la poésie, rajoute de l'humour, et finalement allège même un peu ce roman assez sombre.
Parce qu'en effet et c'est le premier point important de ce bouquin, même si ce livre parle d'amour, de Oona O'neil, Chaplin, Salinger, qui font partie d'un monde de paillette, de talent et de reconnaissance, faut savoir que ce roman reste malgré tout assez pesant dans l'ensemble. La seconde guerre mondiale et l'horreur du terrain que Salinger a vécu et retranscrit dedans, l'abandon de Oona par son père aussi, ainsi que le rejet de Chaplin par les Etats-Unis. Vraiment l'ambiance n'est pas cool, même si il y a parfois un côté léger, un côté fabuleux parce qu'on rencontre Truman Capote ou encore Ernest Hemingway. Alors certes les libertés sont prises avec les sentiments de ces personnages, mais on se doute bien qu'il y a du vrai dedans.
En plus cet effet obscur est vraiment appuyé par le fait que Beigbeder a vraiment fait ressortir le côté sombre des personnages. Salinger est très sévère avec lui-même à propos de la guerre, il est désespéré de cet amour sans retour pour Onna, et il a en plus pour elle une espèce d'obsession qui l'apaise, surtout lors de la guerre. Oona est de son côté quelqu'un de très sombre, déprimée, elle a un côté enfant perdu, qui plaît d'ailleurs beaucoup à l'auteur. Quant à Chaplin, même si Beigbeder s'attarde bien moins sur lui, on se doute que le rejet des Etats-Unis l'a sûrement affecté, et du coup ça rajoute du dramatique à l'histoire. D'ailleurs sur Chaplin il a écrit un très beau passage quand il dit qu'il fallait visiblement mieux être nazi que communiste (je le dis en gros car j'ai perdu le passage). Par contre j'avoue je n'ai aucune fascination pour Oona, question de genre peut-être ?
Mais malgré tout ce roman empreint de désespoir mais aussi d'amour, reste agréable à lire. Frédéric Beigbeder a vraiment bien écrit cette histoire, il l'a vraiment bien romancée. Il a vraiment bien fait ressortir l'amour fou, l'amour calme des personnages. Les ténèbres qui les entourent. La nostalgie qui pince le cœur. Je recommande vivement ce livre, qui change du Beigbeder extravagant et expansif habituel.