Mon traître, qui fonctionne en duo avec Retour à Killybegs, est aussi poignant et prenant, renverse les certitudes, exulte l'humanité et l'amitié ; c'est un livre extrêmement puissant et fort.
Avril 1977, Belfast. Antoine rencontre pour la première fois Tyrone Meehan, " mon traître ". Tyrone le prend tout de suite en amitié, mais plus que ça, le considère comme un père pour son fils. A ce moment là, Antoine n'est pas encore Tony, il n'est que l'ami français de Jim et Cathy O'Leary, le luthier parisien qui tombe amoureux de l'Irlande, de l'hymne irlandais, de la cause de l'IRA.
Cette rencontre avec le " grand " Tyrone Meehan, le rebelle, le vétéran qui se bat pour l'Irlande depuis son plus jeune âge, va transformer le petit français, va l'entraîner à prendre faits et causes pour l'IRA. C'est donc à travers l'histoire de l'Irlande que va naître et grandir cette amitié entre Tyrone et Antoine, ce respect, cet amour d'un homme pour un fils, d'un fils pour un père, cette confiance entre les deux hommes. L'un habite en Irlande, l'autre à Paris, mais le lien qui les unit n'a pas de frontière.
Ce lien est plus fort que tout. C'est ce que croyait Antoine, quand il apprend, comme un coup de poing que Tyrone Meehan est accusé d'être un traître, d'avoir trahi sa famille, son pays, l'IRA. Mais l'a-t-il trahi lui aussi ? C'est toute la question que se pose Antoine dans ce roman écrit à la première personne, un témoignage de leur histoire dans celui de l'Histoire.
Mon traître a été écrit avant Retour à Killybegs, mais l'ordre de lecture n'a aucune importance, les deux livres se complétant parfaitement, tout en existant indépendamment l'un de l'autre, avec une force identique. Sorj Chalandon choisit avec Mon traître d'insister sur l'humanité de Tyron Meehan, sur son amitié avec Antoine, sur cet amour filial, sur ce qui fait la particularité du lien entre les hommes, malgré les événements qui les dépasse, malgré l'Histoire en marche.
Ce qui est totalement époustouflant, c'est la manière dont Sorj Chalandon réussit à écrire deux livres aussi différents, avec les mêmes personnages en toile de fond, avec la même base narrative. Même en sachant ce qui va se passer, on reste totalement accroché à chaque page. La sensibilité qui s'échappe de chaque ligne, la force des sentiments qui sont à peine évoqués, mais qui transpirent à chaque mot prendra le lecteur aux tripes.