Le roman de Pascal Brückner, " La maison des anges " est intéressant pour la problématique explosive et hautement polémique qu'il a soulevée : la pauvreté. Son récit met en scène cette misère et la culpabilité (où plutôt la mauvaise conscience) qu'elle provoque à la société française dans son ensemble. En effet, en temps de crise plus qu'à d'autres moments, le SDF ébranle nos certitudes. Il nous rappelle sans cesse qu'à tout instant, nous pouvons basculer, devenir à notre tour un laisser pour compte de la société et basculer dans l'abîme de la déchéance sans retour possible.
Son approche n'est pas politiquement correcte. Il secoue nos habitudes et nos façons de voir. Il ne s'apitoie pas sur le pauvre ou le gisant. Il ne se lamente pas sur l'état déplorable de notre société. Et c'est pour cela qu'il est peut-être plus compassionnel que la plupart de ceux qui confisquent la parole aux pauvres, parlant en leur nom, travaillant à leur réinsertion coûte que coûte, traçant leur parcours de vie, leur voie sans les consulter. Ainsi pensant bien faire, ces personnes ou institutions s'arrogent le droit de toute puissance ; le droit moral d'avoir aidé son prochain, ce miséreux (mais en fin de compte a-t-il réellement besoin de nous pour s'en sortir lorsqu'il le veut vraiment?) ; le droit à l'amour pour ce frère d'infortune sans pour autant entendre le droit de ces " pauvres " à disposer d'eux-mêmes. On peut être pauvre et être libre. On peut être pauvre et cracher sur cette main qui nous nourrit car personne n'est redevable de la charité qui rappelle surtout notre " faillite " à un moment donné de notre histoire. Le pauvre n'est pas tendre avec les autres et surtout pas avec lui-même.
En lisant ce livre, je repense à ce fameux texte de Volmann " Pourquoi êtes-vous pauvre ? ". Je repense aussi au film " Chute libre " dans lequel Micheal Douglas incarne à merveille le passage à l'acte d'un cadre absolument débordé et qui bascule dans une douce et féroce folie. En effet, Pascal Brückner s'intéresse aux coulisses des bons sentiments. Il fustige aussi bien certains organisations qui détournent le bien fondé de l'humanitaire qui se posent en juges suprêmes de la vie et de la mort de leurs semblables. Il n'y a pas si longtemps, il y a eu " l'arche de zoé " qui défraie la chronique. Il fustige aussi certaines stars qui font de la charité ostentatoire. Je pense alors à ce présentateur de variétés qui n'hésitait pas à donner le montant précis de son chèque devant les millions de spectateurs lors de la quête pour venir en aide aux victimes du tsunami en Asie il y a quelques années. Charité business, charité écœurante de ce mannequin qui reçoit des diamants de sang tout en soutenant des causes " politiquement bien vues " et qui est cité dans le roman de Pascal Brückner. En bref, il s'intéresse à la relation extrêmement ambiguë entre faire de l'humanitaire et ressentir des sentiments violents à l'égard du pauvre. Il a osé. Il a libéré la parole et cette pensée qui fait tâche dans l'univers actuel de la politique : on ne peut pas aimer le pauvre de façon absolu de même qu'on ne peut pas le détester de manière absolue non plus. On est dans le tiraillement parce qu'on doit être honnête dans ses sentiments vis-à-vis des plus fragiles que soi. De même le pauvre n'aime pas la pauvreté : il aspire à ne plus l'être.
L'histoire est centrée autour d'Antonin, jeune cadre dynamique dans l'immobilier qui, à partir d'un incident avec un SDF, rate une vente et commet un passage à l'acte. Il va tuer le " fautif ". Cette transgression va l'entraîner dans sa chute. Il va dégringoler pour se retrouver face-à-face à une femme qui va provoquer sa perte. La figure de l'aristocrate vaut le détour. La dernière page révèle toute sa complexité et son extrême ambivalence envers ceux qu'elle entend aider.
Cependant, ce n'est pas un bon roman. L'histoire d'Antonin est invraisemblable. L'aspect psychologique aurait dû être plus travaillé. Il est bien loin de Patrick Bateman dans " American Psycho ". La figure de l'aristocrate est risible et agaçante. On sent peut-être un règlement de compte de l'auteur avec certains milieux (peut être) rendant le récit peu convaincant. De ce livre, il reste des effluves d'un parfum sulfureux mais rien ... d'autre.
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