"La curée" est surtout un roman allégorique. En effet, il évoque la voracité des hommes d'affaires qui, profitant de la transformation de Paris par Hausmann, se jettent sur la spéculation financière. La curée est ce morceau de viande qu'on donne à la meute après une chasse particulièrement "excitante". Autrement dit, le roman annonce la couleur: c'est une lutte acharnée pour les honneurs, le pouvoir et l'argent. Et dans ce carnage joyeux, Renée sera la perdante. Voulant tout possédée, elle sera dénudée. Voulant le bonheur contre l'ennui suprême, elle sera abandonnée. Voulant devenir la Phèdre des temps modernes, elle sera réduite au silence. Et cette volonté de donner une dimension tragique à sa vie pour la revêtir de noblesse tourne à la comédie à la vaudeville! Son "inceste" avec Maxime ne touche guère son mari Saccard/Thésée. Ce dernier s'allie même à son fils pour ses affaires. Ce roman bien que de portée mineure dans la série des Rougon Macquart met en lumière une double dénonciation: politique et sociale. L'ombre de Napoléon III s'étend sur tout le roman. Il est là sans l'être. C'est une façon pour Zola de se jouer de ce personnage. L'auteur reste libre de le peindre en sa défaveur par touches impressionnistes lors de son apparition dans les bois de Boulogne au début du roman. Au travers des déboires de Renée, c'est aussi une époque qui se finit comme ce crépuscule entourant les carrosses de promenades. A la place, émerge une société de l'argent et du paraître attaquée par la dégénérescence et la dissolution des moeurs. Qui mieux que l'épouse de Maxime pour être l'égérie de ce monde? Elle illustre parfaitement ce que les critiques appellent la "vierge-catin". Si l'influence du positivisme et du naturalisme ne transparaissent pas dans le roman, elle est tout de même sous-jacente dans la déchéance de Renée. Mais le déterminisme génétique est focalisé sur la faiblesse de constitution de Maxime et son étrange attitude efféminée selon l'auteur. Zola va plus loin: ses tares physiques expliquent ses imperfections morales. Livre intéressant, cependant selon moi, pour comprendre le naturalisme, il est préférable de porter le choix sur "Germinal", "l'Assommoir", "Nana" ou "La bête humaine". Car pour moi, bien que cette théorie sur l'homme est plus que discutable et d'arrière garde, il n'empêche que ce sont des chefs-d'oeuvre de la littérature "zolienne".
