Élisabeth ou l'Équité

Elisabeth Basilico: l'héroïne de l'oeuvre d'Eric Reinhardt "Elisabeth ou l'Equité" encore une fois, est une femme forte. Pourtant, ce n'est pas le double de Victoria, le personnage principal de son précédent roman, même si elle travaille comme elle dans les ressources humaines (pas tout à fait à la même échelle). Une usine française doit subir un plan de redressement: nous en suivrons le théâtre des négociations, du début à la fin... L'originalité de cette très belle pièce de théâtre est de concentrer dans son intrigue tous les niveaux hiérarchiques de l'entreprise contemporaine: de l'ouvrier au dirigeant du fond de pension américain, (le propriétaire réel de l'usine française) en passant par les cadres... A tous les étages de ce mille-feuille hiérarchique très réaliste, on peut voir que chacun cherche à manipuler l'autre. Comme dans tous ses romans, Eric Reinhardt cherche à donner une image de la complexité de la réalité contemporaine. Pas de manichéisme simplet. Même les représentants syndicaux, sympathiques et intelligents, ne sont pas exempts de mauvaise foi. Elisabeth Basilico, au milieu de tout ça, semble être le fusible désigné: mais il ne faut pas la sous-estimer... Pour la première fois, on ne retrouve pas dans cette oeuvre "l'avatar synthético-théorique" de l'auteur: pas de double plus ou moins déformé de l'écrivain, mais ça et là, des traces de ses obsessions, comme l'automne, bien sûr... Beaucoup de tensions, mais aussi des moments drôles, des places pour les sentiments, le quotidien... On se dit, en lisant cette pièce, que la vie d'une usine repose effectivement sur des mises en scènes, des quiproquos, des dialogues et des fictions qu'on veut faire avaler aux autres... On dirait qu'Eric Reinhardt présente une vision du monde moins pessimiste qu'à son habitude: Le Système Victoria était tragique, et toutes les autres représentations de l'entreprise dans son oeuvre étaient toujours très cyniques. Ici, "l'équité" mise en valeur dans le titre laisse plus de place à l'idéalisme, à l'espoir d'une solution possible. Mais c'est avant tout une pièce qu'il faut voir, dans une mise en scène de Frédéric Fisbach qui sera certainement magnifique, avec Anne Consigny dans le rôle principal, au théâtre du Rond-Point à partir du 12 novembre.