Ce récit magnifique est le fruit de l'histoire hors du commun, exemplaire et particulière d'une fille qui ne l'est pas moins et de sa rencontre avec la plume, elle aussi unique, de Marie Desplechin. Le livre est le résultat d'une longue conversation entre Aya et Marie. On devine qu'il a fallu beaucoup de persévérance et de délicatesse à Marie pour apprivoiser Aya la mystérieuse, la taiseuse et libérer une parole qui n'a pas l'habitude de s'épendre. Aya n'aime pas parler d'elle. Encore moins se confier. S'il elle accepte et désire ce récit, ce n'est pas pour témoigner, encore moins pour échapper à son monde. Au contraire, elle l'aime, ce monde dans lequel elle a grandi, elle les aime, toutes ces personnes qui l'ont accompagnée, soutenue, fait grandir, tous ces vivants et ces disparus qui font partie de son histoire et ont forgé sa personnalité si extraordinaire, au sens le plus fort du terme. Car à n'en pas douter, Aya sort de l'ordinaire, en toutes choses. Elle est inclassable, unique, belle dans sa puissance comme dans ses faiblesses. Son récit, mis en mots avec tant de finesse, de force et de justesse par Marie, est à son image : profond, sobre, précis, puissant et sensible à la fois. Pas de pathos, pas de larmes inutiles, pas de rancoeur ou de désir de vengeance pour celle qui affirme qu'elle préfère "le silence plutôt que la commisération"; les faits, rien que les faits, énoncés sobrement, dignement, simplement. Chacun en tirera les conclusions qu'il veut. Aya ne se pose ni en victime ni en héroïne, là où d'autres au contraire se seraient largement étalés dans les plaintes ou l'auto-satisfaction. Ce n'est pas son genre. Malgré tout ce que l'écriture de ce livre a remué en elle, elle parvient à garder une certaine distance, à prendre encore un peu de hauteur, à rester lucide et droite. La vie ne l'a pas épargnée, entre la disparition prématurée et tragique de son père, sa petite soeur et son petit frère, la maladie de sa mère, les difficultés... Et pourtant Aya reste tenace, combattive, dans la vie comme sur le ring, puisqu'elle a commencé la boxe française à 8 ans, et que, passée à la boxe anglaise, elle gagnera en un an tous les combats auxquels elle participe jusqu'au Championnat du monde. Ce titre marquera aussi la fin de sa carrière de sportive de haut niveau puisqu'elle y sera blessée : une fracture aux cervicales qui aurait pu la laisser paralysée et qui la stoppe net. Elle tombe, encore une fois... et se relève, une fois encore. Tout est dans l'obstination, la ténacité, le "danbé". Et l'énergie, le désir de vivre, la force d'aimer. Ce livre magnifique, profondément marquant s'achève sur ces mots superbes : " J'aimerais que celle ou celui qui lira ce petit livre mesure ce qu'il a de déchirant. Il est mon au revoir à ceux que je laisse sur le quai. Mon père, ma soeur, mon petit frère, mes oncles, Marc, Mme Boutra, qui était la collègue de ma mère, tous ceux qui ont été des petites flammes dont la lumière danse toujours dans mon souvenir. Il est mon au revoir à mon enfance de petite fille noire en collants verts, qui dévale en criant les jardins de Ménilmontant. Je voudrais en même temps que sa part d'amour l'emporte, mon amour pour Massiré, pour Issa, pour Ali, Jean, Nicolas, pour tous ceux qu'un merveilleux hasard a mis sur ma route, mes amis. Je ne sais pas ce que ma mère en pensera, ni comment mon "danbé" s'en accommodera, mais voilà, c'est écrit. Et je vis."
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