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27 Avril 2017

Guillaume Rihs : "La thématique du grand homme est un beau sujet de comédie"

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Guillaume Rihs : "La thématique du grand homme est un beau sujet de comédie"

En 2016 paraissait Aujourd’hui dans le désordre (Kero), premier roman de Guillaume Rihs, récompensé par le Prix des écrivains genevois. A l’occasion de la sortie de son deuxième livre, Un exemple à suivre, l’auteur suisse a répondu à nos questions et nous en dit un peu plus sur les commémorations autour d’un certain Geronimo Jules…

MyBOOX : Qu’est-ce qui vous a inspiré ce roman, et particulièrement la thématique de la célébration du grand homme ?

 

Guillaume Rihs : Les historiens ont beaucoup théorisé l’action de l’histoire et la mémoire. Ce sont des sujets que je trouvais intéressants en tant que professeur d’histoire ; d’autant qu’on en fait souvent des tonnes. On a régulièrement des personnages à célébrer et c’est toujours très problématique car, dès qu’on met un personnage en avant, on s’aperçoit vite qu’il a aussi des zones d’ombre. J’ai moi-même été amené à participer à ce genre de choses à l’occasion des célébrations autour de Jean Calvin à Genève. Je trouve donc que c’est un sujet intéressant qui questionne notre rapport à l’histoire mais surtout, je voulais faire quelque chose de drôle car c’est aussi un beau sujet de comédie.

 

Qui est Geronimo Jules, le grand homme en question du roman, et avez-vous été inspiré par un personnage réel ?

 

Geronimo Jules est en fait un personnage secondaire du livre. Il n’est pas vraiment présent et on ne sait pas très bien si ce qu’on sait de lui est vrai ou faux. Mon envie de départ était de faire un livre dont ce personnage serait totalement absent et dont on ne saurait rien. On apprend qu’il a travaillé sur des thèmes contemporains, tels que l’écologie et la laïcité. L’un des personnages dit de Geronimo Jules qu’il est le censeur par excellence. A l’inverse, selon ses admirateurs, il a œuvré pour l’écoute et le dialogue. C’est un peu un Protestant, ce Geronimo Jules, ce n’est pas quelqu’un de très marrant.

 

Le personnage s’est dessiné petit à petit au fil du récit, je l’ai vraiment découvert en l’écrivant. Je me suis demandé si j’allais m’inspirer d’un personnage réel et s’il serait contemporain ou non. Beaucoup de lecteurs me disent qu’il leur fait penser à quelqu’un et ce n’est peut-être pas plus mal. J’aurais pu prendre Jean Calvin ou Jean-Jacques Rousseau mais, avec ces écrivains on entrait dans un autre registre... J’ai préféré créer un personnage fictif car j’avais envie d’imaginer quelqu’un. Mais le roman n’est pas tant son histoire que celle des personnages qui gravitent autour.

 

Comment vous est venue l’idée de ce nom ?

 

C’est à la fois un nom glorieux, car c’est le nom d’un vrai chef Indien qui évoque le courage mais c’est aussi un nom absurde. S’appeler Geronimo quand on est un jeune politicien, c’est décalé. Et puis, il y a son nom de famille, Jules, qui est assez ennuyeux et banal. Avec Geronimo Jules, on a à la fois la grandeur et le côté basique. Ce décalage me plaît beaucoup.

 

Pouvez-vous expliquer le titre ?

 

Il y a une interrogation sous-jacente dans ce titre. Pourquoi prend-on le temps de commémorer une personne illustre si ce n’est pour se dire que c’est un exemple à suivre et quelqu’un dont il faut se souvenir ? Si on pense qu’une personne a le mérite d’être convoquée dans l’espace public par le biais d’une statue ou d’une commémoration, c’est qu’on se dit qu’on a quelque chose à retenir de cette personne et donc que c’est un exemple à suivre. Le titre évoque également un autre aspect du livre : les autres personnages du livre sont-ils des exemples à suivre ? On comprend finalement que, bien que le but ne soit pas moralisateur, ce n'est le cas pour aucun d'entre eux. 

 

Justement, pouvez-vous décrire la galerie de personnages autour de laquelle s’articule le roman ?

 

Il y a tout d’abord Georges de Gy, l’adversaire de Geronimo Jules. C'est un homosexuel de 80 ans, meneur joyeux et libertaire mais avec quelque chose de l'ordre de l'anarchiste. Il y a ensuite Alberta Jules, la cousine éloignée de Geronimo Jules, qui s'est perdue dans le souvenir de son grand-oncle et le maire, qui ne s'intéresse pas vraiment à Geronimo Jules mais qui souhaite organiser quelque chose de grand pour la ville de Genève. Il y a aussi trois jeunes lycéens qui doivent travailler autour des célébrations et trois belles Italiennes qui vont faire fantasmer tout le monde... 

 

Vous êtes suisse et pour la deuxième fois, vous situez votre roman à Genève. Est-ce que cela a une importance particulière ?

 

Oui et non. C’est à la fois une évidence et une décision à prendre. Au début, je me suis demandé si je devais inventer une ville mais je trouvais que cela affaiblissait le roman. Et puis ensuite, ça s’est imposé : je suis de Genève, c’est ma ville, j’y ai toujours vécu et je la connais bien. J’ai beaucoup d’anecdotes sur cette ville, ce qui rend cette histoire enrichissante. J’aurais pu prendre n’importe quelle autre ville mais c’est Genève qui s’y prêtait le plus.

 

Le style est très particulier : comment avez-vous trouvé le style de ce roman ? Et votre style d’écriture en général ?

 

J’écris d’une façon simple, naturelle et qui me plaît. J’avais envie de créer quelque chose qui me ressemble. Ce que j’aime le plus, c’est l’ironie et les dialogues. J’aime jouer avec des personnages fictifs et inventer des surprises. J’aime écrire des choses courtes, denses et où il se passe plein de choses. Je trouve souvent que la vie est drôle. Ce livre me ressemble et j’espère proposer quelque chose qui est sincère et honnête. Mon style est spontané et puis, j’ai dû être influencé parce tous ce que j’ai pu lire…

 

Quelles sont ces influences littéraires ?

 

Ce qui m’influence, je pense, n’est pas forcément littéraire. Mais ce qui m’a beaucoup influencé, ce sont les bande-dessinés. J’ai beaucoup aimé Gotlib. C’est la source de ce qui me fait rire. J’aime beaucoup aussi George Perec, Jean Echenoz, Daniel Pennac, Michel Houellebecq, Pierre Lemaitre, Jean-Philippe Toussaint et Éric Chevillard, que je lis en ce moment, mais je ne veux pas les copier. Je n’essaie pas de faire "à la manière de". Je lis aussi des polars mais je n’aime pas les lectures trop introspectives et qui parlent de drame personnel.

 

Propos recueillis par Emeline Léon

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