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15 Mars 2016

Akli Tadjer : "L’univers du tango charrie des choses qui me sont proches"

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Akli Tadjer : "L’univers du tango charrie des choses qui me sont proches"

Dans son dernier roman, La Reine du tango (JC Lattès), Akli Tadjer donne pour la deuxième fois de sa carrière la parole à une héroïne : professeur de tango, Suzanne a toujours vécu dans l’ombre de sa mère, flamboyante dans cette discipline. Cherchant l'amour et sa propre vérité, elle va vivre une aventure intime hors du commun dans un Paris cosmopolite cher à l’auteur. Akli Tadjer nous en dit plus. 

MyBOOX : La Reine du tango est un roman très précis sur cette danse. Comment connaissez-vous si bien cet univers ?

 

Akli Tadjer : Je ne suis pas un pro de la danse mais je danse un peu et surtout j’aime regarder le tango car c’est un art, une culture et un savoir-vivre. Je suis voyeur de tango plus que danseur. Ce qui m’intéresse c’est l’élite, les vrais athlètes, ce sont des sculptures. Je me suis beaucoup documenté. J'aime bien que mes romans se situent dans un milieu précis. Dans mon roman précédent, Les Thermes du paradis c’était "la reine des croque-morts". Le tango me passionne et c'est un univers très romanesque qui charrie la nostalgie, les amours naissantes, les amours mortes, le déracinement, l’exil… des choses qui me sont proches et qui me sont chères.

 

La Reine du tango se déroule à Paris. Pourquoi cet éloignement soudain de l’Algérie, pays de vos parents, très présent dans beaucoup de vos autres romans ?

 

J’étais un peu lassé d’écrire sur l’Algérie. L’Algérie revient dans plusieurs de mes romans : dans Le Porteur de cartable je traite de la guerre d’Algérie et mon narrateur est d’origine algérienne comme moi. Mais j’avais le sentiment de creuser toujours un peu le même sillon. J’ai donc changé mon axe littéraire à 180 degrés. Et quitte à changer, je me suis dit "Essaye de te mettre dans la peau d’une femme", ce que j’avais déjà fait dans Les Therme du paradis.

 

Effectivement, on pourrait s’attendre à ce que ce roman soit écrit par une femme tant on est dans la peau de Suzanne avec ses préoccupations de trentenaire parisienne, prof de tango…

 

Je crois être un des rares auteurs dont le narrateur est une femme alors que je suis un mec, "hétéro de base", marié avec des enfants. Mais je ne suis entouré que de femmes, je n’ai que des filles donc je vois bien comment ça se passe. C'est un autre continent pour moi les femmes et ça m’intéresse de rentrer dans leur peau. J’aime bien écouter mes amies discuter. Les codes des femmes sont plus subtils et quand on est romancier c’est plus intéressant. J’ai écrit dix romans dont huit avec des narrateurs masculins : tout ce qui touche à la fibre sentimentale et affective, c’est plus simple avec les hommes. Les femmes sont plus tourmentées, plus sensibles. Enfin, c’est comme ça que je le ressens...  

 

Comment est née Suzanne dans votre esprit ?

 

Au début je comptais faire de "la reine du tango", sa mère, l’héroïne. Mais je n’allais parler que de tango et d’histoires d’amour. Il valait mieux raconter l’histoire de cette fille qui a toujours vécu dans l’ombre de sa mère. Son drame est d'être née d’un père inconnu et d’une mère trop connue. Et puis j’ai rencontré une jeune professeur de tango qui était célibataire : une femme de trente ans, prof de tango, entourée en permanence de couples, de gens qui s'aiment ou vont s'aimer et qui apprennent cette danse ultra sensuelle… comment c’était possible qu’elle soit seule ? Il y avait un vrai paradoxe.  

 

Ce personnage vous donne un prétexte à lancer une fiction pleine de suspens car elle rencontre un garçon aux yeux jaunes très mystérieux…

 

Oui, une petite gouape. Il la touche parce que dans son inconscient c’est un peu le genre de petit voyou de Buenos Aires que lui décrivait sa mère. Et puis il est plutôt beau garçon... 

 

L’autre personnage important de La Reine du tango, c'est le Paris d’aujourd’hui, très cosmopolite peuplé de gens qui viennent de partout. C'est le Paris que vous aimez. 

 

Je ne connais que ce Paris-là, j’y suis né et je fais partie de ces gens colorés. Suzanne habite à Montmartre mais beaucoup de choses se passent du côté du canal de l’Ourcq où j’ai vécu pendant vingt ans. Maintenant je suis à "Eglise de Pantin" deux stations plus loin. Maintenant c’est devenu très bobo mais c’était un Paris très populaire avant, c’était le Paris des pauvres. J’aime bien aussi ce que c’est devenu : il y a beaucoup de jeunes trentenaires qui font la fête sur le bord du canal. Je ne m’imagine pas une seconde vivre dans le VIIe ou le XVIe arrondissement par exemple, pour moi ce sont des maisons de repos ces quartiers. Dans tous mes romans, Paris est important. A quoi bon écrire sur une autre ville ? Ce ne serait pas un roman vrai puisque je ne connais pas vraiment d’autre ville.

 

Quels sont vos derniers coups de cœur en littérature ?

 

J’ai lu Du domaine des murmures de Carole Martinez (Gallimard, ndlr). C’était surprenant, ça m’a vraiment plu. Là je suis sur la fin d’Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre (Albin Michel/Le Livre de Poche ndlr), tout aussi surprenant.

 

Propos recueillis par Noémie Sudre

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