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10 Septembre 2014

Véronique Aubouy et Mathieu Riboulet : A l'ombre des lecteurs de Marcel Proust

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Véronique Aubouy et Mathieu Riboulet : A l'ombre des lecteurs de Marcel Proust

A la lecture (Grasset) est un livre d'un genre inqualifiable qui célèbre Marcel Proust à travers ses lecteurs en mettant en scène le magnifique projet dont Véronique Aubouy avait déjà fait un film : Proust lu. Un livre gigogne dans lequel on écoute les lecteurs de Marcel Proust au plus près de leurs réactions et émotions, et où les oeuvres s'emboîtent à l'infini à la façon d'une phrase de Marcel Proust. 

 

Véronique Aubouy et Mathieu Riboulet en un clin d'oeil :

 

Cinéaste et artiste, Véronique Aubouy réalise depuis 1993 le film Proust lu dont elle tire ici, pour la première fois, un livre. Lire la biographie de Véronique Aubouy. Mathieu Riboulet est écrivain et lauréat du prix Décembre. Lire la biographie de Mathieu Riboulet. Lire la biographie de Véronique Aubouy.

 

Pourquoi on aime "A la lecture" : 

 

Avez-vous déjà rencontré des poupées russes littéraires ? Leur avez-vous fait un brin de causette ou simplement demandé d’où elles venaient ? Si elles pouvaient parler, ces jolies trouvailles vous répondraient certainement qu’elles on été inventé chez un certain Monsieur Proust, au milieu de vieux cahiers de brouillon dans lesquels chaque phrase abritait d’autres phrases et encore d’autres à l’infini. Pour l’auteur d'A la recherche du temps perdu, l’existence même pourrait bien ressembler à cet emboitement vertigineux qu’il comparait à une note de lumière "indéfiniment tenue sur les canaux par quelque pédale optique".

 


En ce sens, il faut se réjouir de voir ces ricochets littéraires parvenir jusqu’à nous avec le livre-hommage A la lecture de Véronique Aubouy et Mathieu Riboulet qui nous met à l’ombre des lecteurs de Marcel Proust et nous fait suivre attentivement l’effet – plus ou moins fort, neutre ou positif - d'A la Recherche du temps perdu, prise extrait par extrait, sans précipitation, sur leurs émotions et leurs pensées.

 



Depuis 1993, la réalisatrice Véronique Aubouy s’est prêtée à cette drôle d’expérience avec des lecteurs du monde entier en leur demandant de lire des extraits de La Recherche pour en tirer un film qui totalise une durée de cent huit heures pour mille cent lecteurs : "Il se propose, écrit-elle, d’enregistrer la lecture de l’intégralité de la Recherche par une myriade de liseurs de toutes sortes, grands et petits, connus et pas connus, connaisseurs de Proust ou pas, vous et moi, chez nous, dans la rue le métro au travail au lit dans la baignoire à la campagne, partout dans la vie d’aujourd’hui, les habits d’aujourd’hui, les lieux d’aujourd’hui".

 



De ce film, Véronique Aubouy a décidé de tirer un livre gigogne, ou poupées russes, avec la collaboration du conteur Mathieu Riboulet, mettant en abyme la lecture de l’œuvre de Marcel Proust par des milliers de lecteurs. Une œuvre inclassable qui définit, par un touchant détour, la lecture dans ce qu’elle a de plus essentiel, inaccompli, frustrant et désirable : "Le plus beau de ces rencontres, la trace ineffaçable qu’elles laissent, sont dans leur inaccomplissement, autrement dit leur inaccomplissement est la condition même de leur beauté".
 

 

La page à corner : 

 

Pour rester dans cette jolie mise en abyme à laquelle le livre nous invite, évoquons ce lecteur tourmenté par une page cornée dans son édition Pléiade : "Il la lit donc, cette page cornée, et comme d'habitude, tout concentré qu'il soit, il pense à mille autres choses en même temps, et parfois, quand il s'en rend compte, il est saisi de crainte à l'idée que cette dispersion lui fasse rater sa lecture, la rende inutilisable - un peu comme quand il conduit, il se met à penser à autre chose qu'à la route, réalise par intermittence qu'il n'est pas du tout à son affaire, que c'est dangereux, que c'est comme ça que les accidents arrivent (...) Le texte file, il tricote toujours ses interrogations, revient à la page cornée, évoque rapidement l'hypothèse que tout cela soit lié, la page cornée, le soupçon, son retard, le choix du lieu et la beauté de cette femme qui filme".

 


Lauren Malka

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