GÉRALDINE MAILLET EN UN CLIN D'OEIL :
Géraldine Maillet se découvre très tôt une passion pour l'écriture. Auteure d'une vingtaine de romans, elle est aussi réalisatrice de films documentaires.
POURQUOI ON AIME Fran et Ava :
Au détour d'un magazine daté de 1990, Géraldine Maillet découvre l'hommage que rend l'auteure Françoise Sagan à l'actrice hollywoodienne Ava Gardner, qui vient de s'éteindre à 67 ans. Entre les lignes, elle découvre la relation intense que les deux femmes ont vécue pendant un mois. C'était en 1967 - elles ne se sont revues qu'une seule fois ensuite, à l'aéroport d'Heathrow, 14 années plus tard. Si Françoise a pu évoquer cette furtive rencontre dans ses écrits, c'est la plume de Géraldine Maillet qui nous offre le point de vue d'Ava. En se glissant dans sa conscience, elle dépeint, minute après minute, le flot de ses pensées, émotions et souvenirs qui s'entrechoquent.
Nous est alors donné à lire le monologue d'une femme abîmée, qui s'emporte autant qu'elle est en proie à la mélancolie. Spectatrice de son propre amour déchu, Ava Gardner apparaît sous un autre jour. Celle que l'on retient encore aujourd'hui pour sa beauté se révèle, à l'aube de ses soixante ans, emplie de failles, de doutes et parfois de regrets - en un mot, humaine.
LA PAGE À CORNER :
Pardonne-moi darling Fran, je me perds. Je suis une toupie de souvenirs. Comment j'ai pu gâcher notre dernier moment ensemble ? Pourquoi je ne t'ai pas juste fait comprendre que, sans toi, tout serait désormais insurmontable ? Je frimais, j'en rajoutais, je matais le serveur comme si j'espérais être prise sur le bar. J'avais dit en m'esclaffant, c'est dommage que personne ne crois plus en la simple luxure.
Je jouais si mal Ava Gardner. En fait, penser que cette parenthèse se refermait me faisait vaciller. D'ailleurs, je suis tombée très malade juste après toi. Tu l'as appris par les tabloïds. Ça m'a autant touchée que déplu de recevoir ton télégramme quand j'ai été hospitalisée au Chelsea Hospital for Women en janvier 1969, presque un an après nous. Une violente crise hépatique m'avait terrassée. Certains parlaient d'une tentative de suicide, non, j'étais juste devenue une solide ivrogne irascible et paranoïaque. Une éponge alcoolique. Ce télégramme était une caresse et une claque. Certes, tu te souvenais, tu avais des égards, mais il me paraissait distant, du bout des lèvres, presque contractuel, comme une politesse après utilisation. Un faire-part.
J'aurais aimé un télégramme fiévreux, charnel, goulu. Un télégramme qui m'aurait donné la gueule de bois et de l'espoir.
Tu es plus forte que moi en rupture. Tu sais tourner les pages. Tu sais mentir. Tu ne triches jamais, sauf en amour. En amour, mentir est ton hygiène de vie, n'est-ce pas ? La page blanche t'effraie, mais celle déjà noircie n'a que peu d'emprise sur ton moral. Tu aimes, puis tu romps. Je ne sais pas si tu es comme ça avec les autres personnes qui ont transpercé ton coeur. Non, tu n'as été ainsi qu'avec moi. (p. 83-84)
DANS LA PRESSE :
Même audace, mêmes démons, même liberté sexuelle... Ava Gardner et Françoise Sagan se sont-elles secrètement aimées ? Pour être invérifiable, l'hypothèse de Géraldine Maillet n'en est pas moins diablement convaincante.
ELLE
Shannon Humbert.