Emilie Frèche en un clin d’œil
Emilie Frèche est romancière et scénariste. Les thèmes de l’identité, des rapports familiaux et amoureux mais aussi de l’antisémitisme, lui sont chers.
Pourquoi on aime Un homme dangereux
Comment une femme qui a tout – un mari qu’elle aime, deux beaux enfants, un métier qui la passionne et dans lequel elle rencontre un chaleureux succès, et même un amant qui remplit à merveille son rôle – comment cette femme peut-elle se laisser entraîner dans les filets d’un homme qui n’a pourtant rien à lui offrir ?
Un homme dangereux raconte la terrible emprise d’un homme, Benoît Parent, sur une femme, Emilie Frèche. Cet homme la rabaisse, l’humilie, se moque d’elle et de tout ce qui fait son identité, n’honore pas ses rendez-vous, est soudainement aux abonnés absents après lui avoir envoyé un millier de textos, fait en permanence preuve d’antisémitisme, face à elle qui l’a tant combattu. Ne lui offre pas même un baiser. Et malgré tout cela, Emilie se retrouve entièrement dépendante de lui, de ses messages, de ses mots. Accrochée à son téléphone pour ne rater aucun de ses textos et y répondre dans la seconde. Incapable, désormais, d’accorder de l’attention à ses filles ou à son mari. Tour à tour distraite, déconnectée, accro, malheureuse, en colère, triste, amoureuse. Jusqu’à la folie.
Happés par le récit, on plonge avec l’héroïne dans une spirale infernale dont on sait qu’on ne sortira plus. Emilie est pourtant d’une triste lucidité sur le rapport de domination que Benoît entretient avec elle : elle sait qu’il ne souhaite que la détruire, elle sait que son couple, sa famille, sa santé mentale et même physique ne pourront qu’en pâtir, et elle se retrouve spectatrice de sa propre dépendance à cet homme, dans laquelle elle sombre inéluctablement. Combien de fois se promet-elle de ne plus lui répondre, de le rayer de sa vie ? Combien de fois y renonce-t-elle, soulagée de le voir lui écrire de nouveau, ravie de se précipiter aux rendez-vous qu’il lui donne.
Alors, pour protéger son couple en danger – Benoît n’a de cesse de lui répéter qu’elle quittera son mari, qu’elle plongera sa famille dans le malheur – Emilie choisit l’arme qu’elle maîtrise le mieux : l’écriture. Oui, elle fera de Benoît le héros de son histoire. Et oui, pour alimenter ce roman, elle continuera d’entretenir sa relation avec cet homme. Elle ne sait alors pas encore que le nouveau danger qui la guette est la fiction elle-même, dans laquelle on peut se perdre, plus profondément encore que dans une relation amoureuse.
Emilie Frèche délivre un roman captivant, qui décrit à merveille l’enchaînement fatal qui peut transformer le sentiment amoureux en un réel poison. Mais aussi la capacité destructrice et la force rédemptrice de l’écriture. Et en toile de fond, Un homme dangereux décortique les relations conjugales et familiales, et l’héritage parfois très lourd que nous laissent nos aïeuls.
La page à corner
" […] Alors qu’il commençait son entreprise de démolition, moi je le laissais jouer avec mes nerfs, pensant naïvement être hors de tout danger quand son jeu n’était pas du tout le même que le mien. Pour moi, c’était celui, sans risque, de la séduction. C’était le petit jeu du début, sans gagnant ni perdant, qui ne visait qu’à retarder le moment d’être ensemble pour le rendre plus fort encore, plus excitant, mais Benoît, lui, n’était excité que par une chose – vaincre. Ecraser l’autre. Il ne connaissait pas d’autres rapports. Il ne savait pas se faire aimer sans faire souffrir. Et si au début, il avait feint les généreux, les grands sincères, en vérité, il ne donnait rien. Il prêtait seulement, et son temps, et ses sentiments, alors quand, sans prévenir, il vous les reprenait – ce qu’il était précisément en train de faire –, vous vous sentiez amputée de quelque chose, affaiblie, et vous commenciez à perdre confiance en vous, à vous dire que c’était votre faute, que vous n’étiez pas assez bien, que vous aviez mal agi, que s’il se comportait désormais avec cynisme et distance, c’était que vous ne méritiez pas mieux, et vous finissiez par vous contenter du toujours moins qu’il vous accordait – quelques heures dans un café. "
Un homme dangereux dans la presse
" … un livre hypnotisant… " Jérôme Béglé, Le Point.
Pour aller plus loin
Emilie Frèche parle de son livre en vidéo
Claire Sarfati