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05 Février 2012

Dominique A y revient (à Provins)

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Dominique A y revient (à Provins)

Avec Y revenir (Stock), l'auteur compositeur et interprète Dominique A se souvient de Provins, ville natale fantôme où il a vécu une enfance brumeuse, dans l'écriture minimale et poétique qui a fait le succès de ses chansons.

 

L'auteur en un clin d'oeil :

Dominique A est l'un des piliers de la nouvelle scène française. Après vingt ans de carrière et neuf albums, il publie son deuxième livre, Y revenir (Stock). Lire toute la biographie de Dominique A.


Pourquoi on aime : 

 

On n’attend pas les chanteurs en littérature, on les redoute même. Dominique A, qui vénère la littérature, a heureusement dépassé ce préjugé : "(…) écrire consiste peut-être en ça aussi : reconnaître son impuissance à le faire, et s’y atteler malgré tout. " Ecrire, Dominique A savait le faire. Il le fait maintenant en longueur. 

 

Le chanteur nous offre un livre sur l’extraction, celle d’une enfance trop petite où se réinventer paraît impossible, et sur la fuite d’une ville d’ennui pour rejoindre les capitales de ses envies : Nantes, Bruxelles enfin puisqu’il y habite. Dominique A se demande qu’elle était sa place à Provins, où il vit jusqu’à ses quinze ans, et on ne peut s’empêcher de penser au beau livre d’Annie Ernaux, justement intitulé La place. Les deux textes tiennent du même format et procèdent du même "je" - c’était la première fois qu’Annie Ernaux se l’autorisait. L’écrivaine y prend le parti de la distance et du récit froid pour mieux se comprendre, alors que Dominique A celui de l’image et de la poésie. De la même manière ils se sont évadés discrètement  - Annie Ernaux a choisi l’écriture, Dominique A la musique - sans toutefois couper les ponts, emportant avec eux un album de photos, sépia pour l’une, polaroïd pour l’autre, qu’ils ont gardé dans un coin de leur tête et qu’ils ont rendu au lecteur des années après.

 
 
Si Y revenir était un film, il aurait la douceur des pellicules 16mm et de leur grain qui donnent aux couleurs des tons doux et chauds. On y verrait Provins filmé par Rohmer, Rozier ou pourquoi pas Guillaume Brac (Un monde sans femmes, 2012), et un homme aux yeux pleins de questions se promener dans une ville qu’il a bien connue. Le texte de Dominique A est une suite poétique où se superposent différents temps et différentes images, qui s’éclairent les unes au regard des autres ou des fois se superposent (peut-être comme ça). On chemine dans les méandres de ses souvenirs ; on voit les  paysages qui ont façonné la mélancolie d’un chanteur qui se dit volontiers nostalgique. Dominique A n’est pourtant pas le "feu follet" du roman éponyme de Drieu La Rochelle - adapté au cinéma par Louis Malle et plus récemment par Joachim Trier : il se construit et se libère autour de cette mélancolie. Le feu follet se cogne contre les murs et se consume alors que Dominique A trouve sa fuite très jeune dans la musique.
 
 
Son dernier album, Vers les lueurs, navigue entre rock bien assis, variété assumée et hauteur de free-jazz. Est-ce un hasard si la première chanson, Contre un arbre, s’ouvre sur un claquement régulier de batterie atour duquel s’emmêle des flutes nuageuses, tapis magnifique aux premier mots de l’enfant de Provins "Oublie la ville, oublie la vitesse, oublie l’agression verbale" ? Dominique A signe un texte qui libère et nous fait du bien. On sort de ce roman plus léger et on peut se diriger lentement Vers les lueurs.
 
 

La page à corner :

 
"A l’époque où je revois Vincent, je tente d’écrire des nouvelles. Je ne m’y suis pas essayé depuis l’enfance, tétanisé par ma vénération pour la littérature, et redoutant le syndrome du "livre de chanteur". Mais je persévère cette fois, parce qu’on m’y encourage, et qu’écrire consiste peut-être en ça aussi : reconnaître son impuissance à le faire, et s’y atteler malgré tout. Vivre nous apprend bien que nous ne savons pas vivre, et nous le faisons quand même. Si au bout il y a un livre, tant pis si ce n’est pas celui qu’on voulait faire. Un livre est un regret, mais au moins est-il délesté de celui de ne pas l’avoir écrit."
 
 
 

Nicolas Guyonnet
 

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