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24 Août 2015

Crans-Montana sous le scalpel de Monica Sabolo

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Crans-Montana sous le scalpel de Monica Sabolo

Crans-Montana, dernier roman de Monica Sabolo publié chez JC Lattès le 26 août 2015, passe au crible la population huppée qui fréquente les pistes de ski de la célèbre station Suisse éponyme. Et en dresse – sous une plume souvent poétique – un portrait tragique.

Monica Sabolo en un clin d’œil


Monica Sabolo a commencé sa carrière en tant que journaliste. Passée par Voici et Elle, elle devient rédactrice en chef de la rubrique culture au lancement de Grazia. En parallèle Monica Sabolo se lance dans l’écriture et écrit 4 romans (Crans-Montana est le dernier), tous parus chez JC Lattès. Son roman autobiographique Tout cela n’a rien à voir avec moi, paru en 2013, a remporté haut la main le Prix de Flore. Elle se consacre aujourd’hui à l’écriture de scénarios.

Pourquoi on aime Crans-Montana ?


A Crans-Montana, station de ski Suisse, se retrouvent les familles parisiennes et milanaises huppées. Les nantis. La jeunesse dorée. Entre les années 60 et 90, trois créatures viennent chambouler le quotidien des garçons de la station : Chris, Charlie et Claudia. Les trois C. Elles sont sublimes, et mystérieuses. Les garçons les suivent, les épient, sur le terrain de tennis, les pistes, ou dans les soirées. Tous éperdument amoureux, des trois à la fois. Elles sont la seule chose qui semble avoir une importance dans leurs quotidiens désœuvrés. Dans la première partie du roman, Monica Sabolo fait parler ces garçons d’une seule voix, grâce à un « nous » qu’ils incarnent tous à la fois.

 

Et comment pourrait-on les distinguer de toute façon ? Ils sont les mêmes, sont issus des mêmes moules, de familles type où tous les pères agissent de la même façon, auprès de femmes identiques. Comme si l’argent les avait tous façonnés à la même manière. Le récit de Monica Sabolo offre des prises de vue au ralenti de vies figées, glacées (et glaçantes) ; elle décrit des figures. Interchangeables. Et l’on en vient à se demander si l’on peut vraiment qualifier cette population de « privilégiée » tant la description de l’auteure en montre la secrète et terrible souffrance.

 


Au milieu d’elles, les trois C, inséparables, au cœur impénétrable. Qu’y a-t-il derrière ces manteaux de fourrure, ces longues jambes, ces sourires ? Quelle réalité est tue par les faux-semblant ? Que dissimule tout cet argent ? Au milieu de l’ouvrage, nous quittons le point de vue des garçons pour plonger, sur quatre décennies, dans les pensées désenchantées, parfois désespérées de ces jeunes filles perdues, que la vie, en leur offrant toutes les richesses du monde, a finalement dépossédées des seules choses qui comptent réellement. Que la vie a promises, inéluctablement, à une destinée tragique.

 


Ce récit autofictionnel – Monica Sabolo a elle-même passé toutes ses vacances à Crans-Montana et c’est un album photo de ses parents qui a déclenché son besoin d'en faire un roman – est plein de nostalgie, de mélancolie, de poésie aussi. Tragique et beau à la fois. L’auteure passe les apparences au scalpel pour nous montrer la chair à vif qui se cachait en dessous : les mensonges, les souffrances, les vies brisées, les drames. Tout ce que cette génération a pris le soin de planquer sous un manteau de vison. 

La page à corner


" Toutes les choses dont on ne parlait pas se consumaient là, sous leurs yeux. Toutes ces choses insensées qui avaient lieu, et qui demeuraient suspendues dans les airs. Les filles qui se rendaient chez des tricoteuses à Lausanne et se vidaient silencieusement dans leurs fuseaux de ski, pendant des jours et des jours. Les filles qui rentraient à pied chez elles, au petit matin, après avoir été déflorées sur la banquette d’une voiture. Les garçons qu’on ne voyait plus (ils étaient tombés dans la drogue, ne savaient plus comment ils s’appelaient, s’étaient jetées par la fenêtre). Les femmes qui buvaient et n’étaient plus invitées aux dîners. Les hommes qui revenaient hors saisons, dans les plus beaux hôtels de la station, accompagnés de créatures trop maquillées, des jeunes femmes qui portaient les mêmes manteaux de fourrure que leurs épouses – juste un peu plus neufs, ou un peu plus voyants –, et que le personnel faisant semblant de ne pas reconnaître. Les fantômes, ces inconnus familiers et volatilisés, les valises d’argent passées à la frontière dans le coffre, les roues de secours sous les sièges, les passeports conservés dans la poche en permanence, au cas où il faudrait fuir, à l’aube, dans la montagne. Et puis, ces Italiens dont on ne savait pas où ils étaient pendant la guerre, ou même parfois des membres de sa propre famille, auxquels on n’aurait jamais posé aucune question. On ne voulait pas savoir. Tant qu’on n’en parlait pas, les choses n’existaient pas. On aurait dit que l’équilibre du monde, ou même sa survie, en dépendait. "

Crans-Montana vu par la presse


" … un roman nimbé de nostalgie. […] C’est parfaitement réussi. " Tribune de Genève
" Un beau livre,  franchement original, qui capture l’air de rien tout un climat social, et n’est pas sans rappeler le Bonjour Tristesse de Françoise Sagan. " Toutelaculture.com
" La plume légère de Monica Sabolo virevolte autour des plaies ouvertes, avant de les ausculter avec finesse. " Anne Brigaudeau, CultureBox, France TV Info

 

Pour aller plus loin

 

Un extrait du livre

Monica Sabolo parle de Crans-Montana en vidéo

 

Claire Sarfati

 

Crans-Montana
Avis des lecteurs : 3/5 1 Donner un avis
Dans les années 60, à Crans-Montana, une station de ski suisse, des garçons observent, de loin, trois jeunes filles qui les fascinent : les trois C. Chris, Charlie et Claudia. Elles forment une entité parfaite, une sorte de constellation. Claudia, cheveux blonds, hanches menues, sourire enjôleur...
Paru le : 
26 Août 2015

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