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11 Septembre 2013

Christopher Bram : Etre gay et écrivain aux Etats-Unis

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Christopher Bram : Etre gay et écrivain aux Etats-Unis

Dans son essai Anges batailleurs (Grasset), le romancier et essayiste Christopher Bram étudie cinquante ans de littérature américaine à travers de grands auteurs homosexuels et montre comment, plus ou moins directement, ils ont participé à l’évolution des mentalités.

Christopher Bram en un clin d'oeil :

Christopher Bram est né en 1952 à Buffalo. Il est l’auteur de neuf romans, dont Le Père de Frankenstein adapté à l’écran sous le titre Ni dieux ni démons. Lire la biographie de Christopher Bram.

 

Pourquoi on aime "Anges batailleurs" :

 

Le sous-titre "les écrivains gay en Amérique" pose bien les bornes du sujet. Il n’est pas question de littérature à destination des gays mais d’écrivains homosexuels. Christopher Bram raconte de nombreuses anecdotes sur la vie de ces Anges batailleurs, écrivains parfois en marge, qui s’aiment, se haïssent, se jalousent. Mais il relie aussi avec pertinence leur existence à leurs œuvres qu’il résume et analyse avec clarté. Il traite des textes qui évoquent directement ou pas leur orientation sexuelle comme ceux dans lesquels elle ne transparaît pas. Truman Capote, remarqué dès son premier livre, Domaine hanté, a ainsi évité de parler d’homosexualité pendant trente ans. Tennessee Williams a été un dramaturge à succès en mettant en scène des hétérosexuels et n’a révélé son homosexualité que bien plus tard, invitant à relire peut-être ses anciens textes sous un autre angle. D’autres, comme Gore Vidal, ami puis ennemi de Capote, s’est mis à nu dès ses débuts ce qui réclamait un vrai courage en 1948 époque où l’homosexualité est mal admise. 
 
 
A chaque chapitre du livre correspond une décennie. Ce découpage classique permet à l’essayiste de souligner les évolutions que connaissent le monde littéraire mais aussi la société à l’égard des homosexuels. En 1961, il est encore diffamatoire de déclarer que quelqu’un est homosexuel. Les années 1970 voient le développement d’une presse gay et une plus grande liberté des mœurs. En 1981, les premiers cas de SIDA repoussent la communauté gay dans la marge et la diabolisent. Christopher Bram montre comment la maladie est devenue rapidement un sujet littéraire, sous forme dramatique ou de comédie. Il consacre ainsi un chapitre à Angels in America, pièce de Tony Kushner créée en 1991 et qui, à ses yeux, fait date. L’auteur évoque plus rapidement les années 2000 trop proches et qui l’auraient mené à parler de ses textes, ce qu’il ne souhaite pas faire, préférant être ici seulement un lecteur impliqué.
 
 
Car, ce qui fait aussi l’intérêt et l’originalité de cet essai sérieux et documenté, c’est la dimension personnelle que Christopher Bram ajoute. C’est un écrivain gay appartenant à la troisième génération. Il n’hésite pas à parler à la première personne du singulier et à donner son avis. Il ne cache pas qu’il n’aime guère Capote, notamment celui de la fin, et admire beaucoup Edmund White. Il témoigne aussi de la façon dont ces œuvres ont été perçues par de jeunes gens comme lui, comment elles les ont aidés à accepter leur homosexualité et surtout à la révéler. Il explique ainsi qu’un texte d’Amistead Maupin a été utilisé par de nombreux garçons pour faire leur coming-out. 
 
 
L’auteur ouvre et ferme son livre avec Gore Vidal, gay de la première génération, mort en 2012. Selon Vidal, il n’y a pas d’homosexuels mais seulement des actes homosexuels. S’il a été vivement critiqué pour cette déclaration, la littérature prouve qu’au-delà des orientations sexuelles, il est toujours question de la nature humaine. Celle-ci ne varie guère d’un individu à un autre et c’est bien à cette conclusion qu’on aboutit après avoir lu Christopher Bram.

 

La page à corner :

La critique élogieuse ou sévère a longtemps passé sous silence la dimension sexuelle des textes. En 1982, Edmund White publie Un jeune Américain : "On acceptait enfin de lire un roman gay comme une œuvre littéraire. La qualité exceptionnelle de la langue d’Edmund White y était pour quelque chose, bien sûr. De même que la souffrance mise en scène (…) Néanmoins, j’ai la conviction que c’est parce que les mentalités avaient changé." (p.265)

 



Ariane Charton

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