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04 Octobre 2016

"Je me suis éclaté !" Taï-Marc Le Thanh nous parle du "Jardin des Epitaphes"

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"Je me suis éclaté !" Taï-Marc Le Thanh nous parle du "Jardin des Epitaphes"

A l’occasion de la sortie de son dernier roman, Le Jardin des épitaphes (Didier Jeunesse)– road-trip d’une fratrie dans un contexte post-apocalyptique – Taï-Marc le Thanh, auteur notamment de la saga Jonah, nous a accordé un entretien. Où l’on parle de fin du monde, de zombies mous du genou, de machines tueuses, de prof de math, de mayonnaise et de bol de céréales, mais surtout d’optimisme…

Est-ce que c’était dur de créer un tout nouvel univers après avoir écrit 6 tomes de Jonah ?

 

Oui c’était assez compliqué. Il se trouve que j’avais commencé Le Jardin des épitaphes légèrement à cheval avec Jonah : j’ai terminé le 6ème tome de Jonah en mars 2014, et j’avais commencé Le Jardin des épitaphes à Noël. Ça m’a permis d’embrayer sur un autre univers tout de suite après Jonah. Et effectivement ça été un peu compliqué, surtout de dire au revoir à Jonah et à tous ces personnages, de les laisser s’envoler…

 

Pouvez-vous nous présenter Le Jardin des épitaphes ?

 

C’est l’histoire d’un groupe d’enfants, des frères et sœurs : l’ainé a 17 ans, le frère a 9 ans et la petite sœur 6. Ils évoluent dans un contexte post-apocalyptique. Ils sont à Paris et leurs parents sont à San Francisco. Le Jardin des épitaphes est un road trip : ils vont faire tout le voyage de Paris à San Francisco, en passant par le Portugal. En fait, pour traverser les océans il faut passer par le sud du Portugal, parce qu’à la suite d’un phénomène climatique, tous les courants marins se sont mis à converger en un point unique : le Cap St Vincent, au sud du Portugal. Et cet endroit est devenu un gigantesque cimetière de bateaux. Le Jardin des épitaphes est un roman en deux tomes : le premier tome se déroule entre Paris et le sud du Portugal. Le deuxième tome va se passer sur la traversée de l’océan Atlantique et entre New-York et San Francisco.

 

Quant au contexte post-apocalyptique, j’ai voulu en faire quelque chose d’assez… je dirais… ultime. Je me suis dit "Allez, sois un peu ambitieux sur ce coup-là, essaye d‘enterrer le genre". Et donc j’ai tout pris. Tout ce qui appartenait au genre post-apocalyptique, qu’on trouve dans les films et les livres, et j’ai essayé d’en dresser une liste exhaustive. Donc il y a des zombies, évidemment. Il y en a deux sortes : les Snyders et les Romero, qui proviennent des différents types de film. Dans les années 80 les zombies étaient plutôt mous du genou, ils avançaient très lentement. Dans les années 2000 ils ont commencé à être un peu plus véloces, donc ceux-là c’est les Snyders, du film l’Armée des morts par exemple. Après il y a les machines tueuses de Terminator, les guerriers de la route de Mad Max, il y a les cannibales de… je ne sais pas, il y a toujours des cannibales pendant la fin du monde. Il y a des sectes, des ambiances qui rappellent les films des années 70, comme Soleil Vert ou comme Apocalypse 2024. Il y a aussi La Planète des singes, mais qui se serait transformée en Livre de la Jungle. Oui, il y a par exemple des personnages, que j’appelle les régressifs, qui ont subi une mutation inverse et sont retournés à l’état des grands singes. Ils vivent dans l’abbaye de Cernay et  parmi eux  il y a un orang-outan qui a envie qu’on ne lui parle que d’humanité, et qui offre des bananes aux trois voyageurs. Donc il n’y a pas que des personnages méchants, il y a aussi des personnages qui sont un petit peu perdus, submergés par la catastrophe.

 

On dirait que vous vous êtes bien amusé !

 

Ah ça oui, je me suis éclaté !

 

Comment écrivez-vous ? Les idées vous viennent au fur et à mesure ou au contraire c’est très structuré ?

 

En fait c’est très structuré.  Après pour créer l’ambiance, je me sers des voyages et de la surprise du voyage. J’aime beaucoup voyager, et dans ma façon de voyager je suis très mobile : je vais dans un endroit, je m’y arrête deux jours maximum, et je repars. J’éprouve des moments d’euphorie totale quand le train se met en route. Quand on commence à bouger sur les rails, alors là je suis…

 

Pour ce livre, j’ai été Etats-Unis, c’était un fantasme de prendre le train là-bas, cette espèce de grosse machine qui avance très lentement ! J’ai traversé des paysages incroyables, j’ai vu des gens qui font des signes, des usines hors d’âges, des champs à perte de vue !

 

Et tout ça, ça vous fait prendre des notes pour vos livres par exemple ?

 

Oui, et surtout ça me met dans une ambiance. Mais le récit lui-même est très construit. J’ai choisi de raconter une histoire de fin du monde autrement : la fin du monde c’est terrible, mais il y a des choses qui sont pires que la fin du monde. Et ça c’est Le Jardin des épitaphes. Ça reste optimiste, c’est un livre qui j’espère fera sourire un petit peu les lecteurs.

 

Qu’est-ce que vous espérez susciter chez vos lecteurs ?

 

Je voudrais transmettre la notion de partage. En tant que père, il y a une chose que j’ai souvent expliquée à mes enfants, c’est la valeur de la fratrie. C’est une chose vitale, essentielle. Je leur ai dit "Soyez soudés. Vous pouvez vous disputer, ne pas être d’accord, mais soyez soudés, soyez attentifs à l’autre, partagez.". La fratrie c’est vraiment essentiel.

 

Dans Le Jardin des épitaphes il y a ce côté fratrie, ce côté soudé. C’est quelque chose que j’avais envie de partager avec mes lecteurs. Dans cet environnement hostile, le grand frère va protéger son frère et sa sœur physiquement, mais il va surtout les protéger psychologiquement. Tout est dans le titre en fait : Le "Jardin des épitaphes" c’est un cimetière. Dans le premier chapitre, sa petite sœur va lui dire "mais en fait tu nous parles d’un cimetière" et il va lui répondre "Oui, mais c’est plus sympa de dire jardin des épitaphes, c’est plus poétique".

 

Et il va faire cela pour tout leur expliquer : la fin du monde, la mort, etc. Par exemple il y un phénomène qui s’est produit : tous les nuages se sont solidifiés et sont tombés sur la terre. Il va leur raconter ça en leur disant "c’est comme quand tu fais une mayonnaise : tu mélanges avec ton fouet, tu ajoutes ton huile, tu as ton œuf à température ambiante, tu ne comprends pas comment ça marche et d’un coup c’est comme de la magie, tu as ta mayonnaise. Et bien les nuages dans le ciel, c’est pareil". Il va aussi leur expliquer les zombies en mangeant un bol de céréales… Moi j’ai toujours trouvé ça dégueulasse les céréales le matin, le truc trempé dans du lait là, qui ramollit… Eh bien les zombies c’est un peu pareil.

 

Tout ça, c’est un peu une façon de minimiser l’apocalypse, de dire que oui il se passe des choses, mais que comme on n’a pas le choix de toute façon, on va essayer de vivre avec et d’en voir le bon côté. Bon, il y a bien sûr des scènes qui peuvent être assez terribles, la scène des cannibales par exemple, ça n’est pas très très tendre... Mais il y a toujours des rencontres, un peu inattendues, comme celle d’un jeune couple en Espagne, ou bien celle des animaux. Car dans ce monde post-apocalyptique, toutes les espèces vivantes ont essayé de se regrouper, les animaux sont devenus nos amis, sauf les chiens. Malgré la fin du monde, c’est un roman gorgé d’espoir.

 

Quelle a été votre toute première inspiration pour écrire ce roman ?

 

Il y en a eu plusieurs. Tout d’abord il y a eu une espèce de synthèse que j’ai pu faire de mon rôle de père. J’essaye d’avoir un discours positif avec mes enfants, et j’ai essayé de retranscrire ce discours dans Le Jardin des épitaphes. J’ai plongé mes trois personnages dans un contexte épouvantable mais en leur faisant garder le sourire. Heu je précise que mes enfants ne vivent absolument pas dans un contexte épouvantable (rires) ! Mais au quotidien, j’essaye de leur transmettre une vision positif, en leur disant "Ok, ton prof de math il est nul, il est pénible, mais c’est la vie, c’est comme ça que ça se passe, prend le bien, tu ne vas pas vivre avec lui, donc vois le bon côté des choses". Il y a donc eu ce démarrage, mais aussi le voyage : ce goût du voyage que j’ai eu envie de partager.

 

Avec mes enfants ça a commencé quand ma fille avait 4 ans et demi, on s’est barrés en Espagne avec des copains, j’avais loué un minibus, on ne savait pas où on allait.  Je me souviens aussi que quand mon fils était tout petit, il passait des heures dans les trains à regarder par la fenêtre, il regardait les vaches, il regardait les animaux… Bref, voilà, j’espère leur avoir donné ce goût du déplacement, du voyage et de la rencontre aussi. Dans Le Jardin des épitaphes il y a ces rencontres, qui sont toujours inattendues, qui sont toujours un peu gorgées d’appréhension au début, parce que c’est quand même la fin du monde, mais qui au final sont toujours sympathiques. Bon, mis à part les monstres et les créatures diverses… Mais même quand ce sont des rencontres avec des gens qui ne sont plus là, des gens qui sont morts, elles témoignent d’un amour de l’humanité et d’une foi en l’humanité, malgré tout. Cette histoire de fin du monde elle est justifiée, mais elle a son pendant… enfin vous verrez, il faut lire le livre pour comprendre !

 

Et vos enfants justement, est-ce qu’ils l’ont lu ?

 

Oui ils l’ont lu. Je les ai embarqués dans ce voyage Paris-Portugal en leur disant que j’y allais pour le travail, pour prendre des notes et des photos, et que s’ils voulaient venir avec moi il fallait qu’ils aient un projet. Ma fille fait des études d’art graphique, mon fils fait beaucoup de musique, et la dernière dessine et écrit. La dernière justement, elle lit énormément et a lu tous mes livres, je lui fais lire tous mes manuscrits. Donc mon fils faisait de la batterie, ma fille ainée faisait des croquis et la dernière écrivait. Et j’avais emmené pour ce voyage deux exemplaires du manuscrit, pour les aînés qui ne l’avaient pas lu. Ils l’ont découvert au fur et à mesure du voyage. Ma fille aînée, qui lit très peu, l’a fini en Espagne. Elle était assise à côté de moi, et elle m’a dit "Papa j’ai fini, je suis fière de toi". C’était une  belle expérience de partage…

 

C’est plutôt chouette d’être les enfants de Taï-Marc Le Thanh !

 

Oui mais bon, j’avoue que cette année, je suis parti tout seul aux Etats-Unis, ils tiraient un peu la tronche !

 

 

Le tome 1 du Jardin des épitaphes, paru aux éditions Didier Jeunesse, est déjà disponible en librairie ! Et pour aller plus loin, foncez découvrir le site internet très complet dédié au livre (vous y trouverez une bande-annonce, une playlist, des photos, l’itinéraire des personnages, etc.) ou encore la page Facebook.

 

Propos recueillis par Claire Sarfati

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