Ashley Audrain en un clin d’œil
Écrivaine canadienne née en 1982, Ashley Audrain vit à Toronto. En 2021, elle publie son premier roman Entre toutes les mères qui remporte un grand succès et a été traduit dans plus de vingt-cinq pays. Des murmures a été publié en janvier en France par les éditions JC Lattès.
Pourquoi on aime Des murmures ?
Une fois de plus, c’est la thématique de la maternité qui travaille ce deuxième roman d’Ashley Audrain. Après Entre toutes les mères, sorti en 2021, Des murmures se déroule dans une petite bourgade d’Amérique du Nord, autrefois populaire, aujourd’hui gentrifiée, où des voisins font communauté. Comme dans toute communauté, on se regarde, on se compare, on s’épie, on se jalouse. Mais un jour, un drame arrive. Ce drame est déjà là quand on ouvre le livre. Le chapitre inaugural pose d’emblée le mystère : qui est cet homme qui a connaissance du drame mais qui ne devrait pas, que s’est-il passé.
Puis, on se retrouve au calme, avant le drame, « dans le jardin de la maison la plus chère de la rue », lors d’une « garden party » chez Jacob et Whitney, l’une des voisines à qui tout semble réussir… Et pourtant, c’est bien autour de Whitney et de sa famille que va se produire le drame que ce jour normal préfigure.
Au fil des chapitres, ce sont plusieurs vies de femmes que l’on découvre : elles s’appellent Rebecca, Whitney, Blair et Mara. Mère dévouée, mère dans le déni, presque mère, mère surprotectrice ou négligente, chaque personnage féminin Des murmures est animé par sa condition de mère, quelle qu’elle soit : passée, actuelle, ou future, avec toujours, une question sous-jacente : comment être mère ? Dans Des murmures, il semble que chacune ait emprunté une voie propre pour vivre sa maternité selon ce qu’elle pense être juste, mais le monde selon Ashley Audrain ne fait place ni à la justesse, ni à la justice. Être mère n’est jamais une position juste et tous les drames qui se jouent dans la vie de ces femmes en témoignent.
D’un bout à l’autre, Ashley Audrain tient le lecteur en haleine tissant plusieurs histoires autour de ces destins de femmes et de mères. Jusqu’au bout, le lecteur est suspendu, dans l’attente de comprendre quelle sera la résolution du drame.
La page à corner
« Whitney ne sait pas ce que ça fait, que l’idée de lever le pied soit une source de joie. Mais elle sent le corps de Lauren se détendre quand elle la serre dans ses bras pour lui dire au revoir, elle devine son soulagement à l’idée de laisser le boulot derrière elle. Le mari de Lauren gagne beaucoup d’argent dans l’immobilier commercial, plus que Whitney ne peut la payer, bien qu’elle touche le plus gros salaire de son équipe. Lauren ne reprendra peut‐être pas le travail, Whitney s’en doute. Il y a une forte probabilité qu’après avoir expulsé le bébé, elle soit brusquement convaincue, comme la plupart des femmes, que donner est la chose la plus importante qu’elle puisse faire. Son lait. Son sommeil. Son estime d’elle‐même. Plus elle donnera, plus elle sera applaudie. La dévotion maternelle. Regardez comme elle est merveilleuse avec ce bébé. C’est comme ça que ça commence. Whitney sait que toutes les femmes ne partagent pas sa conviction que l’indépendance, dans tous ses aspects, est la forme de pouvoir la plus importante. Que le monde se compose de ceux qu’on envie et de ceux qui envient. Tôt dans sa vie, elle a pris la décision de ne jamais être le genre de personne qui se contente de perpétuer la sensation de pouvoir avec laquelle les plus enviables vivent – au lieu de quoi, elle serait l’un d’eux. Et chaque décision qu’elle prend vise à rester sur l’extrémité la plus haute de cette balance.
Si elle voulait avoir une vie différente de celle où elle a grandi, elle ne voyait pas d’autre option. L’injustice, son père n’avait que ce mot à la bouche – les lois étaient injustes, le gouvernement était injuste, le monde était injuste. Mais elle ne parvenait pas à comprendre pourquoi il ne faisait jamais rien contre ça. Pourquoi il n’essayait pas d’améliorer la situation. Il travaillait pour la ville en contrat saisonnier, à tondre le gazon ou saler les routes, mais de temps en temps ses hanches douloureuses le contraignaient à se mettre en arrêt maladie.
N’insulte pas ton père, avait dit sa mère en la frappant sur le côté de la tête quand elle avait demandé pourquoi il ne prenait pas simplement un autre boulot, pourquoi ils n’avaient pas plus d’argent. Juste après, sa mère l’avait embrassée, et elle avait frotté l’endroit où elle venait de la taper. C’était son habitude de redoubler de tendresse après avoir été agressive, comme si l’un effaçait l’autre. Nous sommes juste des gens ordinaires, Whitney, nous faisons de notre mieux. Un jour, tu comprendras. » p. 105
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Lucile Charlemagne