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Ecrivain
Chef réputé, entrepreneur social et auteur de livres à succès, Jamie Oliver a su se créer un univers singulier autour d’une cuisine simple, saine et engagée. Une position peu commune pour la profession, qui lui aura permis de faire monter la sauce autour de nombreuses causes, de la réinsertion des jeunes en difficulté à l’application d’une Sugar Tax en passant par la lutte contre le gaspillage. Le tout sans jamais perdre son franc-parler, ingrédient principale dans la recette de son succès.

Jamie Oliver, tambouille battante

 

Malgré toute l’inventivité qu’on peut lui connaître, la cuisine de Jamie Oliver bouillonne depuis quinze ans d’une seule et même idée: celle de remettre la cuisine au centre des préoccupations sociales et sociétales[1]. Passionné par les questions d’éducation et d’insertion, l’extatique chef a su jouer de son succès et de son tempérament mutin pour faire se rencontrer ces problématiques avec celles de son métier. Une attitude qui lui a valu de se démarquer de ses pairs, sans jamais pour autant déplaire à un public friand de sa jovialité, de son franc-parler, mais surtout du ton badin qu’il a su insuffler à la cuisine contemporaine.

 

Son avènement médiatique, Jamie le doit autant à un concours de circonstances qu’à son caractère excentrique. Fin 1997, tandis qu’il remplace un collègue absent sur l’un des rares jours de congé qu’octroie son métier, une équipe de la BBC vient tourner en plein service une émission culinaire dans son restaurant, le River Café. En quelques courtes apparitions, l’ardent sous-chef crève l’écran, et les producteurs du pays voient dans cet impétueux personnage l’occasion de donner un second souffle aux shows du genre. Un an plus tard, Jamie est propulsé sur le devant de la scène avec The Naked Chef, première émission au succès retentissant où son ton désinvolte fait mouche. Depuis, le trublion anglais s’est illustré dans plus de 30 programmes télévisuels différents - dont une part non-négligeable dédiée à l’éducation ou à l’environnement ; mais il s’est surtout construit autour de ses livres de recettes, dans lesquels brille sa volonté de faire de la cuisine un bien universel, accessible à tous.

 

Cette vision très romantique du métier, le "chef nu" la doit de son propre aveu à une enfance passée à arpenter les cuisines du pub familial, dans le très rural comté d’Essex. Un lieu de vie où le poisson se mange frit, accompagné de chips, d’une pinte, et de quelques commentaires lancés à la cantonade sur les dernières frasques en une des tabloïds. Jamie y aidera ses parents à partir de ses huit ans jusqu’à son départ pour Londres à seize, et l’on ne prendra pas trop de risques en disant que le caractère entier de sa cuisine y prendra racine. Bien avant que la bistronomie ne redonne ses lettres de noblesse à pareil établissement, Jamie Oliver s’imbibe d’une culture centrée sur la générosité des plats et l’utilisation de produits locaux, mais aussi sur une simplicité de la cuisine qui sied si bien à ses didactiques livres de recettes.

Formé dans le cœur de ce qui fait l’Angleterre, Jamie connait toutefois sa première véritable épiphanie auprès de Gennaro Contaldo, un chef italien avec qui il travailla au Carluccio’s, sur conseil de l’un de ses condisciples du Westminster College. Une rencontre grâce à laquelle il peaufinera son amour d’une cuisine simple, mais qui ne fut pour autant pas des plus aisées – comme il le racontera au Guardian en 2003 avec la verve qu’on peut lui connaître[2]. Barré par les patrons du restaurant qui craignaient que le jeune chef en pâtisserie ne vole leurs secrets, l’apprenti chef eut à recourir à de nombreuses ruses pour s’approcher du maître. Avec succès, puisque les deux chefs n’ont depuis jamais raté une occasion de retravailler ensemble – y compris lors de leurs loufoques tentatives de records au Guinness World Records[3]. Il quittera finalement le Carluccio’s pour le River Café quelques années plus tard, où il se fera repérer par les caméras de télévision. Cela ne l'empêche pas de considérer cette passation comme l’essence même de ce qu’il réalisera plus tard avec le Fifteen.

 

Promu au rang de chef star grâce à cette série de livres et d’émissions, mais soucieux de prolonger l'enseignement qu'il a lui-même eu la chance de recevoir, Jamie Oliver décide donc de placer ce premier restaurant, le Fifteen, sous l’égide de l’intégration des jeunes sans-emploi et en difficulté. Le succès est au rendez-vous aussi bien en cuisine qu’à l’écran, puisqu’il tirera de cette expérience une série documentaire de quatre heures. Renouvelée également à Amsterdam et en Cornouailles[4], l’expérience est à nouveau une réussite ; mais elle ne saurait suffire à un chef à l’appétit grandissant. En 2005, dans Jamie’s School Dinners, il saisit le gouvernement britannique des questions de nutrition dans les écoles anglaises en s'immisçant un an durant dans la cuisine d’un collège de Londres. L’émission attire l’attention générale, et oblige les autorités à réagir. S’ensuivra Jamie’s Ministry of Food, premier programme à se saisir de la question de l’éducation culinaire auprès de la population d'une ville, mais surtout Jamie Oliver’s Food Revolution, une série dans laquelle le chef prend le problème de l’obésité aux États-Unis à bras le corps. Avec ce programme, Jamie obtient un succès planétaire, ponctué d'un Emmy Award du meilleur programme de téléréalité. Quoi qu'il perçoive l’aventure comme un échec [5] elle représente son plus grand succès d'estime, et lui aura permis de donner à ses livres l'aspect didactique qu'on leur connaît depuis.

 

Fort heureusement, ce constat d’échec n'a pas arrêté Jamie. Depuis, le chef est reparti à l'offensive pour imposer une Sugar Tax[6] à l'image de la taxe soda française. Et quoique les problèmes de diabète et du surpoids restent son cheval de bataille, allant jusqu’à déclarer que "L’obésité tue plus que DAESH[7]", cela ne l’a pas empêché de commenter également l’actualité en affirmant que "tous [ses] restaurants fermeraient sans les immigrants européens "[8]. Quinze ans après son premier fait d'armes, le chef n'a en rien perdu de sa verve, ni de sa volonté de continuer à lutter pour les causes qui lui tiennent à coeur. Car en cuisine comme dans les médias, s’il est un goût qu'il a su mettre au-dessus des autres tout au long de sa carrière, c’est bien celui de l’engagement.

 

Yves Czerczuk

 

[7] http://www.independent.co.uk/news/people/jamie-oliver-obesity-greater-threat-than-isis-dispatches-channel-four-a7389301.html

[8] http://www.telegraph.co.uk/news/uknews/immigration/10268457/Jamie-Oliver-All-my-restaurants-would-close-without-European-immigrants.html

 

Book copyright © Jamie Oliver, 2017
Recipe and dedication page photography copyright © Jamie Oliver Enterprises Limited, 2017 
Jacket and studio photography copyright © Paul Stuart, 2017

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