Il aura fallu les facéties et le jeu épistolaire proposé par son ami Gilles Jacob pour que Michel Piccoli livre ses souvenirs et ses confidences sur le papier. A presque 90 ans et de plus en plus discret dans les médias et sur la pellicule, l’immense acteur publie ce 28 octobre un très joli texte à quatre mains intitulé J’ai vécu dans mes rêves (Grasset).
Loin d’une "médiocre crânerie"
Gilles Jacob pose les questions pour mieux lancer la machine de la mémoire et c’est une voix très nette, fluide et sautillante à la fois qui répond, une voix de petit garçon presque que l’on entend comme si Piccoli nous parlait. D’une grande humilité, l’acteur insiste souvent sur le principe qui l’a mené tout au long de sa vie et de sa carrière : se tenir éloigné de la "médiocre crânerie" de certains acteurs, ne jamais jouir de soi-même mais bien plutôt du métier, du texte que l’on joue et du rapport à l’auteur. "J’ai toujours été comblé et content de faire mon métier, jamais vraiment inquiet", écrit-il.
Rendre à l’auteur ce qui lui appartient
C’est donc un texte emprunt d’admiration pour les réalisateurs et les metteurs en scène qui l’on fait travailler de Jean-Luc Godard à Youssef Chahine en passant par Claude Sautet, Jean-Pierre Melville, Luis Bunel, Marco Ferreri ou encore Claude Faraldo que l'on a entre les mains.
Une vie tout en pudeur
Pudique, il l’est aussi sur les sujets intimes. Arrivé après un frère mort très jeune, il est élevé par des parents artistes, un père violoniste et une mère pianiste, mais sans feu, ternes. C’est auprès de son oncle et sa tante, exerçant étonnamment les mêmes professions, qu’il trouve la joie, la vivacité et l’envie de se lancer de son côté. Les femmes de sa vie (sa première épouse Eléonore Hirt avec qui il aura une fille dont il s’est éloigné, Romy Schneider dont il a été très proche, Juliette Gréco dont il partagea la vie quelques années) constituent aussi un sujet qu’il préfère vite éloigner face aux questions de son ami qu’il juge – ironiquement ? - impudiques.
Le texte est accompagné en fin d'ouvrage de fac-similés de lettres, poèmes ou jeux entre Gilles Jacob et Michel Piccoli qui ont gardé "ce côté grands enfants, où le corps accusera bientôt son âge, quand l'esprit reste gamin jusqu'au bout".
N.S