Questions-Réponses avec David Enhco
Mais alors, après avoir adapté en jazz Pierre et le Loup et Le Carnaval des animaux, comment se lance-t-on dans l’écriture d’un conte musical inédit ? Pourquoi avoir choisi Django Reinhardt ? Comment travaille-t-on à 15-20 sur des titres initialement écrits pour 2 ou 3 musiciens ? Nous avons posé toutes ces questions à David Enhco, l’un des "leaders" de The Amazing Keystone Big Band.
Comment est né Monsieur Django & Lady Swing ?
D.E : Après avoir fait le livre-disque sur le Carnaval des animaux et sur Pierre et le Loup, deux adaptations d’œuvres classiques en version jazz, on s’est demandé quelle pouvait être la nouvelle direction qu’on allait prendre. On a eu envie de revenir vraiment du côté du jazz, et on a donc choisi une figure très marquante dans l’histoire du jazz - en général mais en particulier en France : Django Reinhardt. Ce musicien était un génie de la guitare mais aussi de la composition, un très grand mélodiste, et c’est lui qui a donné naissance à ce qu’on appelle le jazz manouche.
Comment avez-vous travaillé pour adapter les mélodies de Django Reinhardt ?
D.E : Ça nous plaisait de reprendre ses compositions et de les adapter pour le grand orchestre de jazz qu’est le Big Band. Car la grande particularité de cette adaptation c’est que la musique dite manouche est en général jouée avec une ou deux guitares et une contrebasse, alors que nous la jouons avec un orchestre dans lequel il y a énormément d’instruments : 4 trompettes, 4 trombones, 5 saxophones, en plus du piano, de la contrebasse, de la batterie et de la guitare. Ça donne un éclairage complètement nouveau à cette musique, et c’est exactement ce qu’on aime faire avec cet orchestre : reprendre des choses qui sont connues, qui existent dans la mémoire collective, et les faire découvrir d’une façon tout à fait différente, surprenante, tout en essayant, évidemment, de faire la musique la plus belle possible.
Dans les morceaux qu’on a repris – il en a composé énormément – on a choisi des grands tubes, des morceaux que les gens qui connaissent cette musique adorent : "Minor swing", "Nuage", "Manoir de mes rêves", etc. Mais on a aussi choisi de reprendre des morceaux qui sont moins connus du grand public, et qui sont assez particuliers : comme "Rythme futur", qui est un morceau très surprenant, ou "Flèche d’or", "Troublant boléro", etc.
Comment s’est passée la rencontre avec l’auteur et l’illustrateur du conte ?
D.E : Pour ce projet, les éditions Gautier-Languereau nous ont tout de suite présenté Thibault Prugne et Bernard Villot. Moi j’avais déjà lu leurs deux albums, Le souffleur de rêves et Le dompteur de vent et j’avais adoré l’univers, très poétique, que ce soit en termes d’illustration ou d’écriture. Ça m’a donc tout de suite tenté de travailler avec eux.
Je n’ai pas encore rencontré Thibaut Prugne mais j’ai beaucoup parlé avec Bernard Villot, pour qu’on puisse définir le cadre de l’histoire qu’il allait écrire. Lorsqu’on fait un conte musical inédit comme celui-ci (où ni le texte ni la musique ne sont adaptés) il faut trouver le bon axe pour raconter une belle histoire. Ici il s’agit d’une sorte de récit initiatique entre le personnage – fictif – de Django, et celui d’un jeune garçon qui est lui-même apprenti musicien. Il nous fallait trouver les bons angles pour que ce soit un vrai conte musical : pas juste une musique qui accompagne un texte ni un texte qui accompagne une musique, mais quelque chose de très cohérent, de très dense. Je pense qu’on y arrivés, et j’en suis vraiment heureux.
Monsieur Django & Lady Swing : un livre-disque mais pas seulement !
Pour découvrir le beau travail de The Amazing Keystone Big Band, il faudra donc patienter jusqu’à la fin de l’année. Au programme : un livre-disque à paraître aux éditions Gautier-Languereau donc, mais aussi un CD sur le label Nome (label de l’orchestre), ainsi qu’une adaptation scénique pour une tournée qui devrait débuter à partir de l’an prochain, comme ce fut le cas pour le Carnaval Jazz des animaux et pour Pierre et Le Loup, qui ont donné lieu chacun à une centaine de représentations.
Claire Sarfati